Chine Pékin accélère sa diplomatie du vaccin autour de l’Inde
L’empire du Milieu offre son soutien sanitaire aux pays voisins de son grand rival, paralysé par la deuxième vague de Covid-19. De quoi accroître son influence.
Publié par un site émanant du Parti communiste chinois sur le réseau social Weibo – l’équivalent de Twitter –, le montage a vite été retiré de la Toile, au vu des réactions indignées d’internautes. Il mettait côte à côte deux photos : l’une d’une fusée chinoise qui décolle, l’autre d’un bûcher funéraire en Inde. Avec cette légende : « Allumage chinois versus allumage indien ». Très déplacée, la publication visait à flatter la frange la plus nationaliste de la population en affirmant la supériorité du modèle chinois – qui a jugulé l’épidémie de Covid-19 – sur la démocratie indienne, confrontée à un drame (plus de 400 000 contaminations et près de 4 000 morts pour le seul 6 mai).
L’incident témoigne aussi de la volonté de Pékin de profiter de la faiblesse de son rival pour le distancer. Le régime a ainsi accéléré sa diplomatie sanitaire en Asie du Sud, pré carré traditionnel de New Delhi, afin d’y accroître son influence. « A l’heure où l’Inde se débat avec une deuxième vague de coronavirus, la Chine renforce ses liens avec les voisins – dont l’Afghanistan, le
Bangladesh, le Népal, le Pakistan et le Sri Lanka –, en leur promettant une aide d’urgence pour combattre la pandémie », constate Karthik Nachiappan, chercheur à l’université nationale de Singapour.
New Delhi s’est longtemps appuyée sur ses liens culturels et politiques pour asseoir sa domination locale. Mais Pékin, qui dispose de ressources financières bien plus importantes, s’est rapproché ces dernières années de ces Etats. La compétition s’est accentuée avec la pandémie. Récemment encore, l’Inde– plus gros producteur mondial de vaccins – avait endossé le costume de sauveur de la région. A la fin du mois de mars, le Premier ministre Narendra Modi s’était rendu au Bangladesh pour lui offrir 1,2 million de doses d’AstraZeneca. Il avait aussi livré au Bhoutan de quoi immuniser la majeure partie de sa population. Mais cette dynamique a été stoppée net il y a quelques semaines. « L’Inde est le concurrent le plus sérieux de la Chine dans le domaine de la diplomatie vaccinale. Le fait que la crise sanitaire y devienne hors de contrôle l’oblige à proposer en priorité des doses à sa population. A l’inverse, Pékin peut continuer à exporter des vaccins pour soutenir sa politique extérieure », résume Steve Tsang, directeur de l’institut sur la Chine de l’Ecole des études orientales et africaines, à Londres.
Plusieurs nations sud-asiatiques s’étant retrouvées démunies face au rebond de l’épidémie, l’empire du Milieu s’est empressé de combler le vide. Il a donné 800 000 doses de vaccins au Népal. Et s’est engagé à en fournir au Bangladesh, au Sri Lanka, à l’Afghanistan et au Pakistan. « La livraison de ces produits pourrait permettre à la Chine de prendre l’avantage sur l’Inde dans la région, tant celle-ci peine à s’approvisionner », juge Karthik Nachiappan. De façon très pragmatique, « Pékin a clairement intérêt à éteindre l’épidémie dans la zone pour qu’elle ne déborde pas sur son territoire, via des Etats frontaliers comme le Népal », observe cet expert. Dans ce petit pays – coincé entre les deux géants –, la situation se dégrade à toute vitesse, avec plus de 9 000 cas le 7 mai, contre moins de 100 à la mi-mars.
Le 30 avril, Xi Jinping a fini par proposer son soutien à l’Inde. Après une montée spectaculaire des tensions entre les deux pays le long de leur frontière disputée en Himalaya l’an passé, le président chinois cherche l’apaisement. En se montrant magnanime, Pékin souligne aussi en creux l’égoïsme des Etats-Unis – qui ont un temps limité l’exportation vers le sous-continent de composants pour la fabrication des vaccins. Et affiche sa propre puissance.