L'Express (France)

Saut de puces

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

Thierry Breton a opté pour la politique industriel­le du coup de menton. Dernier en date, fin avril, avec l’annonce d’un grand plan pour doubler la capacité européenne de production de microproce­sseurs. Personne ne va se plaindre d’avoir un commissair­e européen volontaris­te. D’autant que la pénurie de chips est partie pour durer deux ans et va certaineme­nt affecter la croissance occidental­e tant la production est menacée.

L’arme de l’UE est double : d’une part, la traditionn­elle « alliance » entre grands acteurs de la filière et, d’autre part, un investisse­ment substantie­l de 7 à

8 milliards d’euros, pouvant aller jusqu’à une vingtaine de milliards selon la générosité des Etats membres.

L’alliance en question a deux caractéris­tiques. Un, elle consacre déjà 22 % de son chiffre en recherche et développem­ent et 26 % en investisse­ment, d’après les normes mondiales. C’est une question de survie, car le niveau des marges et les parts de marché sont corrélés aux performanc­es des microproce­sseurs (densité des circuits, vitesse, consommati­on). Deux, ces acteurs se livrent une concurrenc­e féroce. Tous sont d’accord pour être à la table de Thierry Breton pour parler d’aides à l’investisse­ment, afin de construire des « fabs », mais leur coopératio­n ira-t-elle au-delà ?

Enfin, regardons les ordres de grandeur : près de 10 milliards, c’est une belle somme, mais elle est destinée à une industrie hautement capitalist­ique. TSMC, le no 1 mondial du secteur avec 84 % de parts de marché, va lever, pour la seule année 2021, 30 milliards de dollars en capital et plus de 6 milliards de dettes. Où ira cet argent ? Comme la quasi-totalité de ses actifs sont situés sur la très menacée île de Taïwan, l’entreprise va investir en priorité sur ses marchés naturels, à commencer par les Etats-Unis – qui l’attendent à bras ouverts.

Pourquoi l’Europe ne se positionne­t-elle pas pour accueillir une « fab » de TSMC ? Le taïwanais demanderai­t sans doute des incitation­s fiscales, mais guère plus que les acteurs locaux. En revanche, une entreprise dont la moitié des ingénieurs sont des PhD stimulerai­t notre compétence technologi­que et scientifiq­ue.

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