Saut de puces
Thierry Breton a opté pour la politique industrielle du coup de menton. Dernier en date, fin avril, avec l’annonce d’un grand plan pour doubler la capacité européenne de production de microprocesseurs. Personne ne va se plaindre d’avoir un commissaire européen volontariste. D’autant que la pénurie de chips est partie pour durer deux ans et va certainement affecter la croissance occidentale tant la production est menacée.
L’arme de l’UE est double : d’une part, la traditionnelle « alliance » entre grands acteurs de la filière et, d’autre part, un investissement substantiel de 7 à
8 milliards d’euros, pouvant aller jusqu’à une vingtaine de milliards selon la générosité des Etats membres.
L’alliance en question a deux caractéristiques. Un, elle consacre déjà 22 % de son chiffre en recherche et développement et 26 % en investissement, d’après les normes mondiales. C’est une question de survie, car le niveau des marges et les parts de marché sont corrélés aux performances des microprocesseurs (densité des circuits, vitesse, consommation). Deux, ces acteurs se livrent une concurrence féroce. Tous sont d’accord pour être à la table de Thierry Breton pour parler d’aides à l’investissement, afin de construire des « fabs », mais leur coopération ira-t-elle au-delà ?
Enfin, regardons les ordres de grandeur : près de 10 milliards, c’est une belle somme, mais elle est destinée à une industrie hautement capitalistique. TSMC, le no 1 mondial du secteur avec 84 % de parts de marché, va lever, pour la seule année 2021, 30 milliards de dollars en capital et plus de 6 milliards de dettes. Où ira cet argent ? Comme la quasi-totalité de ses actifs sont situés sur la très menacée île de Taïwan, l’entreprise va investir en priorité sur ses marchés naturels, à commencer par les Etats-Unis – qui l’attendent à bras ouverts.
Pourquoi l’Europe ne se positionnet-elle pas pour accueillir une « fab » de TSMC ? Le taïwanais demanderait sans doute des incitations fiscales, mais guère plus que les acteurs locaux. En revanche, une entreprise dont la moitié des ingénieurs sont des PhD stimulerait notre compétence technologique et scientifique.