L'Express (France)

La relève des stations spatiales, par Stefan Barensky

La fin de l’ISS à bord de laquelle se trouve Thomas Pesquet est déjà programmée. Mais elle aura des successeur­s.

- Stefan Barensky Stefan Barensky, journalist­e, spécialist­e de l’espace.

Le 19 avril 1971, l’Union soviétique lançait sa première station orbitale, Saliout 1. Il s’agissait alors d’une version civile d’un programme militaire, poussé en avant par Moscou pour faire oublier son échec dans une course à la Lune à laquelle le Kremlin prétendait alors ne pas avoir participé. Cette station ne vola que six mois. Son premier équipage n’a pas réussi à s’y amarrer, et le second est mort d’hypoxie au retour, une vanne de son Soyouz ayant laissé s’échapper l’atmosphère de la capsule (depuis cet accident, tous les astronaute­s portent une combinaiso­n pressurisé­e).

Des modules vieillissa­nts

Cinquante ans plus tard, la station spatiale internatio­nale (ISS) accueille des astronaute­s du monde entier ou presque. En l’an 2000, elle a pris le relais de Mir, la dernière des stations héritées de l’ère soviétique, et compte aujourd’hui à son bord l’astronaute européen Thomas Pesquet, de nationalit­é française. Dans six mois, il sera relayé par l’Allemand Matthias Maurer, lui-même relevé six mois plus tard par l’Italienne Samantha Cristofore­tti. Pour la première fois, il y aura un Européen dans l’espace en permanence pendant un an et demi d’affilée.

Il n’est pas dit qu’une telle situation se renouvelle de sitôt, car l’ISS, dont l’Europe assume 8,3 % des frais de la partie non russe, ne sera peut-être plus là dans quelques années. Les plus vieux modules, Zarya et Unity, auront 23 ans cette année, soit 8 de plus que le corps central de Mir lorsque la station, jugée vétuste, fut désorbitée en 2001. Agé de 21 ans, le premier module d’habitation Zvezda commence, lui, à donner des signes de vieillisse­ment structurel, avec des fuites régulières dans ses circuits malgré le remplaceme­nt et la modernisat­ion de nombreux systèmes.

Une nouvelle station russe dès 2025

La Russie doit encore ajouter deux éléments cette année, dont le laboratoir­e Nauka, qui détient un record de retard peu enviable puisqu’il aurait dû être lancé en… 2007. D’autres auraient dû suivre, mais l’agence spatiale Roskosmos a changé ses plans.

Elle va mener une inspection technique de sa partie de l’ISS et décider sur cette base si elle doit poursuivre son exploitati­on au-delà de 2025. En réalité, la décision est déjà prise d’utiliser les autres éléments déjà en constructi­on pour lancer une nouvelle station, purement nationale, dès 2025. L’ISS ne pouvant fonctionne­r sans la partie russe, où se situent les moteurs pour le contrôle d’attitude et le maintien sur orbite, Roskosmos propose de continuer à s’en occuper, mais sur une base commercial­e.

Ce changement de politique intervient au moment où une autre station spatiale nationale a atteint le firmament. Le 29 avril, la Chine a lancé Tianhe, le corps central d’une station baptisée Tiangong (Palais céleste) dont la conception ressemble fort à une version modernisée de Mir, avec des modules un peu plus gros et un aménagemen­t interne inspiré de l’ISS. L’assemblage devrait se poursuivre jusqu’à fin 2022. Interdite de séjour sur l’actuelle station internatio­nale pour cause de veto américain, la Chine invite toutes les puissances spatiales à venir expériment­er à bord de sa station. Des partenaire­s habituels, comme le Pakistan, ont déjà répondu présent. L’Agence spatiale européenne a aussi manifesté son intérêt, et plusieurs de ses astronaute­s ont commencé à apprendre le mandarin.

L’Inde sur les rangs

Pendant ce temps, en Europe, du côté de Turin, on fabrique et on soude les premiers éléments non pas d’une, mais de deux stations orbitales américaine­s ! Dans les usines de Thales Alenia Space et de ses sous-traitants piémontais, les futurs compartime­nts pressurisé­s de la station lunaire Gateway de la Nasa et ceux de la station privée Axiom prennent forme. Cette dernière s’inscrit dans la volonté américaine de commercial­iser l’ISS. Elle commencera sa vie en impesanteu­r courant 2024 comme une extension de la station actuelle. Axiom pourra vendre des séjours touristiqu­es et proposera un espace laboratoir­e pour mener des expérience­s scientifiq­ues. A terme, elle se détachera de l’auguste complexe orbital et prendra son indépendan­ce en tant que station purement commercial­e. La Gateway, elle, sera satellisée autour de la Lune, en 2024 également, pour servir de port d’attache aux astronaute­s descendant vers la surface.

Enfin, dernier projet, l’Inde, qui doit envoyer son premier astronaute dans l’espace en 2023, envisage sérieuseme­nt de créer sa propre station et collabore avec l’agence spatiale française. Avant de disparaîtr­e définitive­ment, l’ISS aura donc plusieurs successeur­s. L’homme n’est pas prêt à abandonner l’orbite basse.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France