Volvo, le conte de fées chinois
La firme de Göteborg a dévoilé sa volonté de ne plus vendre que des modèles 100 % électriques dès 2030. Un nouvel épisode de la success-story sino-suédoise.
Ces derniers mois, les constructeurs automobiles se sont lancés dans une véritable course à l’échalote. L’objectif : dévoiler la gamme électrique la plus fournie pour la fin de la décennie. Mais, pour filer la métaphore sportive, Volvo a certainement tué le match en déclarant au début de mars qu’il ne vendra plus que des modèles 100 % électriques à compter de 2030. Car si les plans de Ford et de Bentley se sont calés sur le même calendrier, ils se limitent au seul marché européen.
Un pari un peu fou, alors que seulement 17 % des véhicules écoulés par le groupe suédois en 2020 étaient rechargeables (en additionnant les versions électriques et hybrides). C’est certes bien au-dessus de la moyenne du marché – 10,5 % en Europe –, mais loin, très loin de l’objectif assigné par Hakan Samuelsson, le patron de Volvo. Une échéance parfaitement tenable, assure-t-on pourtant côté suédois, où l’on rappelle que les premiers jalons ont été posés dès le printemps 2019, via les accords avec le chinois CATL et le sud-coréen LG Chem, deux des plus gros fabricants de batteries électriques au monde. Des partenariats qui doivent permettre à la firme de Göteborg de « garantir l’approvisionnement en batteries lithiumion pour plusieurs milliards de dollars au cours des dix prochaines années », se félicitait Hakan Samuelsson.
Les professionnels ne cachent guère leur scepticisme… tout en se montrant prudents. Sûrement se rappellent-ils que Volvo est du genre à déjouer les pronostics. En 2010, observateurs et constructeurs l’avaient enterré un peu vite, après l’annonce de son rachat par le chinois Geely. Ils en étaient persuadés : la marque, déjà à bout de souffle après une décennie sous la férule de l’américain Ford, ne devait servir que de marchepied au groupe de Hangzhou, pour être ensuite avalée et digérée. Erreur. Le nouvel actionnaire a, au contraire, ressuscité l’entreprise scandinave, « en y injectant 11 milliards d’euros afin de repartir d’une page blanche sur les plans de la technologie et du design », raconte un porte-parole de Volvo. Une page blanche où l’électrification apparaît en bonne place, « aiguillée par Geely, car Pékin a très tôt voulu pousser cette motorisation, ce qui l’aiderait à sortir au plus vite de sa dépendance au pétrole », éclaire Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners.
La suite ? Un conte de fées sur roues. Lors du Salon de l’automobile parisien de 2014, la présentation du premier modèle sino-suédois, le XC90, sidère les professionnels. Le puissant SUV ouvre une nouvelle ère pour Volvo, qui va collectionner les trimestres en croissance. Entre 2014 et 2021, l’entreprise voit ses ventes passer de 360 000 unités à 660 000 ! Seule la pandémie aura marqué un léger reflux sur le premier semestre 2020. Sans oublier,
en 2018, le prestigieux titre de voiture européenne de l’année pour le XC 40. Une consécration.
Onze ans après son rachat, la multinationale scandinave compte encore accélérer en prenant, pied au plancher, le virage de l’électrification, mais également en misant sur le boom de la vente en ligne. Hakan Samuelsson a révélé que, à partir de cette même année 2030, la totalité de ses véhicules seraient vendus sur Internet. « Mais les concessionnaires auront toujours un rôle à jouer, notamment pour les essais et le service après-vente », souligne-t-on du côté de la marque. Celle-ci suit, bien sûr, l’exemple de Tesla, mais aussi de sa propre griffe de sportives électriques, Polestar (pas encore disponible en France). L’intérêt pour le constructeur ? « Répondre au désir de 73 % des consommateurs qui aimeraient éviter les négociations avec le vendeur, qu’ils trouvent anxiogènes. Mais également gérer de bout en bout l’image de la firme, récupérer de la donnée sur les acheteurs et rajeunir sa clientèle », énumère Marc Mechaï, responsable du secteur automobile d’Accenture. Et les distributeurs ne seraient pas forcément les grands perdants de cette petite révolution, « car ils n’auraient plus à acheter le stock de véhicules aux constructeurs et pourraient également réduire la taille de leur show-room », poursuit le consultant. Reste qu’il faudra du temps pour que ces derniers acceptent le nouveau modèle. Cela tombe bien, avec Geely comme actionnaire, Volvo a du temps… et de l’argent.