Azur Drones, la vigie des sites sensibles
Spécialisé dans la protection des centrales nucléaires ou des raffineries, l’appareil développé par cette entreprise française intéresse l’industrie et la défense.
Tel un diable à ressort, le drone surgit de la boîte rectangulaire qui lui sert de station d’accueil et prend son envol. Ses quatre rotors vrombissent au-dessus des gigantesques installations de l’usine de la Hague, au bout de la presqu’île du Cotentin, où sont recyclés les combustibles usés provenant de réacteurs nucléaires du monde entier. L’engin, conçu par la PME française Azur Drones, n’a besoin de personne pour se diriger : il effectue sa patrouille de surveillance selon un itinéraire prédéfini et transmet ses vues aériennes directement aux agents du PC de sécurité, qui peuvent orienter sa caméra à distance. L’appareil est testé depuis le début de l’année par le groupe Orano (ex-Areva). « Le site de la Hague étant étendu sur plus de 300 hectares, le drone devrait nous permettre d’augmenter notre réactivité en cas d’événement », explique Emmanuel Vial, responsable du service de protection du site.
Il met 4 fois moins
de temps que
des véhicules au sol
pour faire sa ronde
Sécuriser un lieu aussi sensible est une belle victoire pour Azur Drones, petite entreprise de 60 salariés basée à Mérignac (Gironde), devenue en quelques années le leader européen du drone autonome. Le résultat d’une succession de virages stratégiques. Créée en 2012, la société s’est spécialisée en 2016 dans le domaine de la sécurité, avant de racheter l’année suivante la start-up bordelaise Skeyetech, qui développait un engin capable de se diriger tout seul, puis de se consacrer à sa finalisation. « On a travaillé durant deux ans avec les autorités pour recevoir leur agrément, avec un cahier des charges très strict prévoyant notamment la redondance des équipements », détaille Jean-Marc Crépin, président la PME girondine.
L’appareil possède ainsi huit moteurs et deux GPS, et dispose même d’un parachute. Il a été approuvé début 2019 par la Direction générale de l’aviation civile et est l’un des tout premiers autorisés à voler de façon autonome au-dessus de sites privés, avec celui de la société lyonnaise Delta Drone. Un conflit judiciaire oppose d’ailleurs les deux entreprises à propos d’un brevet appartenant à Delta Drone, et portant sur une partie du système Skeyetech. « On est serein sur le sujet », tranche Jean-Marc Crépin. Côté investissement, l’aventure a été financée à hauteur de 30 millions d’euros par son principal actionnaire, Georges Gaspard, ancien patron du groupe Lyreco, le géant européen des fournitures de bureau. Aujourd’hui, Azur Drones s’affirme dans secteur, avec une dizaine de gros clients dont EDF, Total, le port de Dunkerque, la police de Dubaï et le ministère des Armées.
Simple à utiliser, le drone de 7,5 kilos n’a pas besoin de télépilote. « Il peut donc être pris en main après une seule journée de formation », souligne Jean-Marc Crépin. Très réactif, le Skeyetech met moins de trois minutes pour se rendre d’un bout à l’autre d’un site de 300 hectares en cas d’alerte, et met 4 fois moins de temps que des véhicules au sol pour faire sa ronde. Il permet également d’éliminer les angles morts des dispositifs de surveillance fixe et d’observer de jour comme de nuit à l’aide de sa caméra thermique.
En l’exploitant, ses clients industriels lui ont trouvé un autre avantage. « Il facilite l’inspection des installations en évitant de recourir à des interventions humaines, plus longues et risquées. Il permet de vérifier, par exemple, s’il y a une fissure ou de la tôle déformée », indique Bertrand Deroubaix, ancien cadre dirigeant du groupe Total et membre du comité stratégique d’Azur Drones. Certains aimeraient que l’engin puisse également détecter la présence de radioactivité ou de gaz. La PME planche donc sur une nouvelle version, capable d’embarquer plus de capteurs. De quoi lui permettre de continuer à étoffer son portefeuille de clients.