PAR GUILLAUME DEVAUX. ALBIN MICHEL, 236 P., 17,90 €.
Les applications de rencontre sont-elles en train de rendre fous les jeunes écrivains ? On a récemment subi les 2 300 pages du Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui d’Arthur Dreyfus (P.O.L). Guillaume Devaux a le mérite de faire, pile, dix fois plus court : sa Nouvelle Education sentimentale ne compte que 236 pages. Le principal avantage, c’est que c’est lisible. Moins suicidaire que Dreyfus, plus fleur bleue, Devaux n’enchaîne pas les aventures d’un soir. Cramponné à son téléphone portable, il cherche le véritable amour. Le philtre de Tristan et Iseut a été remplacé par l’iPhone. Reste à voir si c’est un progrès…
L’Education sentimentale était une grande fresque générationnelle s’étalant sur près de trente ans. Il faut croire que notre époque est moins romanesque que celle de la révolution de 1848 : la nouvelle version ne raconte que quelques mois de la vie d’un jeune Lillois. Devaux n’a ni l’ironie ni la mélancolie de Flaubert. Son narrateur, en revanche, est aussi paumé que Frédéric Moreau – c’est un Moreau 2.0. Comment, en 2021, être un dragueur sans passer pour un prédateur ? Entre deux dialogues plutôt bien sentis, Devaux part dans des digressions souvent très drôles sur la masculinité moderne. On se souvient que Proust ne voulait pas avoir de téléphone pour ne pas se faire sonner comme un domestique. Sa vie amoureuse fut une catastrophe… Les portables n’ont rien amélioré : avec leurs forfaits sans engagement, les opérateurs ne sont pas près de nous délivrer de nos problèmes de coeur.