2022 : tous régaliens !
Il ne suffira pas de dire que la sécurité sera un thème majeur de la présidentielle, il faudra être crédible.
Il est allé jusqu’à faire réaliser des sondages confidentiels sur ses propositions, selon lesquels plus de 80 % des Français approuveraient l’instauration d’une peine incompressible de cinquante ans de prison pour les terroristes. Xavier Bertrand n’aime rien laisser au hasard, et s’il a d’emblée placé sa candidature sous le sceau de la restauration de l’autorité de l’Etat, à l’issue de plusieurs mois d’échanges avec des magistrats, des policiers, des gendarmes et des experts de ces questions, c’est parce qu’il sait deux choses : ce sujet-là sera au coeur de la campagne, et lui-même doit faire face à un déficit de crédibilité en la matière, n’ayant jamais eu à traiter la question.
A un an de la présidentielle, tous les prétendants ont identifié le talon d’Achille du sortant : le régalien. Une faiblesse d’Emmanuel Macron sur laquelle Marine Le Pen entend bien prospérer. « La délinquance du quotidien et les émeutes urbaines sont devenues notre lot commun, du fait des renoncements politiques et du laxisme judiciaire. C’est le chaos qui s’est installé », a-t-elle répété ce 1er mai. La candidate du Rassemblement national a l’avantage que son positionnement sur les questions de sécurité et d’immigration, deux thèmes qui vont toujours de pair au sein du parti lepéniste, est clairement identifié. Convaincue qu’elle n’a rien à prouver et que l’actualité lui donne raison chaque jour, elle déploie un plan en deux temps : d’abord dénoncer un chaos sécuritaire, pour ensuite mieux se poser en future « présidente de la paix civile ».
La meilleure défense est-elle l’attaque ? Le doute s’empare de l’entourage du chef de l’Etat : « Il y a un choix stratégique d’Emmanuel Macron, Jean Castex et Gérald Darmanin d’amener le sujet dans le débat public de manière très forte, mais je suis convaincu qu’on ne gagnera pas le combat médiatique, analyse un dirigeant LREM proche du président. La sécurité est la troisième préoccupation des Français, imaginez qu’il y ait un nouveau “Papy Voise” [NDLR : en 2002, un retraité avait été agressé trois jours avant le premier tour de l’élection présidentielle], ça pourrait devenir la première. On vient de dire “vous allez voir ce que vous allez voir”, mais est-on capable de gagner sur ce terrain-là ? » Le problème est insoluble parce qu’il porte un nom, et pas n’importe lequel : Emmanuel Macron. « En son for intérieur, il n’est pas habité par la sécurité, confie un intime. Si sur d’autres sujets il est très à droite, sur celui-là il reste un homme de gauche qui pense qu’il ne faut pas mettre les mineurs en prison. »
La gauche, précisément, en a assez d’être à la traîne. L’aveu de « naïveté » de Lionel Jospin en 2002 lui avait coûté cher. Cet été, La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon dévoilera plusieurs « lois-cadres ». Cette approche technique vise à asseoir son image de parti de gouvernement. « On ne souhaite pas arriver au pouvoir avec de simples slogans », résume le député du Nord Ugo Bernalicis. LFI met l’accent sur un meilleur contrôle d’une « police républicaine » aux moyens renforcés. Le candidat communiste Fabien Roussel assume lui aussi une fibre sécuritaire. Il a constitué un groupe de travail dirigé par Olivier Dartigolles, et propose la création d’une police nationale de proximité de 30 000 fonctionnaires. A l’image du PS, le PCF s’appuie sur son réseau d’élus locaux pour nourrir sa réflexion. Ce maillage territorial fait défaut à EELV, dont le positionnement sur la sécurité est peu identifié. Yannick Jadot en a conscience. Celui qui dénonçait en septembre « une banalisation de la violence » a multiplié les rencontres avec des experts. Il souhaite ainsi recentrer le ministère de l’Intérieur sur ses missions d’ordre public. La gauche l’assure : en 2022, elle ne sera pas spectatrice.
Les futurs candidats ont identifié que le sujet était le talon d’Achille d’Emmanuel Macron