Climat : Washington à la recherche du temps perdu... par Donald Trump
Après quatre ans d’inaction sous son prédécesseur, Joe Biden veut prendre le leadership mondial en matière de transition climatique.
Après plus de dix ans de batailles homériques, l’administration Biden vient d’approuver la création de la première grande ferme éolienne offshore des EtatsUnis, au large de Martha’s Vineyard, très chic île du Massachusetts. Une coalition de pêcheurs, d’écologistes et de riverains, qui craignaient que les turbines ne leur gâchent la vue, a tout fait pour torpiller le projet pendant des années. En 2020, le président Trump l’a tout bonnement annulé. Mais Joe Biden l’a relancé, ainsi qu’une douzaine d’autres du même type, dans le but de doper le secteur, à la traîne comparé à ce qui se fait en Europe.
Le président l’a dit et répété : sa priorité est de lutter contre le réchauffement climatique en « décarbonant » l’Amérique. Un revirement politique spectaculaire. Soucieux de préserver les intérêts du secteur pétrolier, son prédécesseur Donald Trump répétait à l’envi que la hausse des températures était « une invention de toutes pièces ». Il a aussi tourné le dos à l’accord de Paris et assoupli les règles américaines de protection de l’environnement, à la grande joie des pollueurs.
A peine arrivé, Joe Biden a renversé la vapeur. Il a stoppé la construction du pipeline controversé Keystone XL entre le Canada et les Etats-Unis, bloqué l’ouverture de forages sur les terres fédérales et poussé à une limitation des émissions de méthane des puits de pétrole. Il a également redynamisé l’Agence de protection de l’environnement que Donald Trump avait truffée de climatosceptiques et d’ex-lobbyistes de l’industrie pétrolière ou plastique. Et il a rejoint l’accord de Paris.
L’Amérique, pour lui, doit redevenir le leader mondial sur ce terrain, après quatre années d’inaction. Le mois dernier, il a organisé un sommet sur le réchauffement, « le problème no 1 de l’humanité », selon sa formule. Il y a annoncé son intention de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Un objectif ambitieux qu’il entend accomplir en investissant des milliards de dollars dans les énergies propres, la voiture électrique et la recherche. Parallèlement, il a lancé une série de mesures pour aider les pays en voie de développement à limiter leur empreinte carbone.
« Les Etats-Unis sont revenus dans la course », affirme Gina McCarthy, une des conseillères du président. « C’est bienvenu, car cet acteur puissant est capable de faire bouger les choses comme aucun autre », estime Nikos Tsafos, expert au Center for Strategic and International Studies. Si le programme de Joe Biden n’est pas aussi audacieux que le Green New Deal concocté par l’aile gauche démocrate, il s’en inspire. Habilement, le président a compris que la lutte contre la surchauffe climatique était un moyen de parler d’emplois et d’opportunités économiques. C’est également une façon de contrer la puissance chinoise et d’éviter un nouveau revers politique comparable au lancement du satellite Spoutnik en 1957. A l’époque, l’URSS avait pris de court les Américains dans le domaine de la conquête spatiale, suscitant un émoi national. Aujourd’hui, la Chine est en avance dans les technologies vertes.
« Joe Biden a engagé tous les chantiers que l’on pouvait attendre d’un président focalisé sur le réchauffement, poursuit Nikos Tsafos. Il en a fait l’une de ses quatre priorités, a proposé de lui consacrer un budget important et a mobilisé son administration. Il lui reste maintenant à tenir ses promesses. » C’est là où les choses se compliquent. Car les démocrates n’ont qu’une faible majorité au Sénat, tandis que les républicains vont sans doute se mobiliser pour faire capoter ces grands plans d’investissement. Quant à la volonté de mener la lutte mondiale contre le réchauffement, elle suscite un certain scepticisme. Après tout, l’Amérique a déjà abandonné à deux reprises un accord international. Le protocole de Kyoto avait été signé par le président Clinton en 1997 avant d’être rejeté par son successeur, George W. Bush ; vingt ans plus tard, Trump s’est retiré de l’accord de Paris. Que se passera-t-il si un républicain revient à la Maison-Blanche en 2024 ?
En attendant, le secrétaire d’Etat Antony Blinken a annoncé que les EtatsUnis allaient « placer la crise climatique au centre » de leur diplomatie. Et ils menacent même – approche totalement nouvelle – les nations qui refusent de réduire leur dépendance au charbon ou continuent à pratiquer la déforestation. « Nos diplomates vont s’en prendre aux pratiques des pays dont l’action, ou l’inaction, retarde le monde », a-t-il révélé. Soit la version verte de la politique du bâton, chère au président Theodore Roosevelt au début du xxe siècle.