Le prudent Biden bousculé par le conflit israélo-palestinien
Le président américain, qui accorde sa priorité à la Chine, ne souhaite pas s’impliquer durablement sur ce dossier.
Les crises internationales surgissent rarement là où on les attend. La stratégie de Joe Biden en matière de politique étrangère était claire : concentrer ses forces sur la principale menace, la Chine. Et se tenir prudemment en retrait des dossiers sur lesquels butent les Etats-Unis depuis des années : Afghanistan, dénucléarisation de la Corée du Nord, résolution du conflit israélo-palestinien.
La montée dramatique des violences entre l’Etat hébreu et le Hamas, qui contrôle Gaza, complique cette ligne diplomatique. Elle a d’ores et déjà contraint le président américain à s’impliquer plus qu’il ne l’aurait souhaité. Joe Biden a envoyé un émissaire sur place. Et multiplié, avec son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, les contacts avec les principaux acteurs régionaux, dont Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, et Mahmoud Abbas, le leader palestinien, pour tenter de calmer les tensions.
Contrairement à Donald Trump, qui apportait un soutien ostentatoire à la droite israélienne, son successeur essaie d’adopter une position mesurée, en insistant à la fois sur « le droit d’Israël à se défendre contre les attaques à la roquette du Hamas et d’autres groupes terroristes à Gaza » et sur le « droit à la sécurité » des Palestiniens. Mais ses prises de position – Biden a considéré que l’Etat hébreu n’avait « pas surréagi de manière significative » – et le blocage par les Américains d’une déclaration de l’ONU appelant à cesser les violences ont pu donner l’impression qu’il cautionnait le pilonnage meurtrier de la bande de Gaza par Israël. D’où les pressions de l’aile gauche du parti démocrate pour que la nouvelle administration, attachée au respect des droits de l’homme, adopte une attitude plus ferme envers Benyamin Netanyahou. Pour la première fois, le 17 mai, Joe Biden s’est dit favorable à un cessez-le-feu.
Témoin des échecs à répétition de ses prédécesseurs, le locataire de la Maison-Blanche n’a aucune intention de jouer durablement les médiateurs dans ce dossier épineux. Et pense sans doute que la solution ne pourra provenir que des protagonistes locaux. « Les crises israélo-palestiniennes ont leur propre dynamique, que les Etats-Unis peinent à influencer, même quand ils s’y investissent en profondeur », note Jeremy Shapiro, directeur de recherche au Conseil européen pour les relations internationales.
Surtout, Biden est conscient qu’il lui reste peu de temps d’ici aux élections de mi-mandat, en 2022, pour relancer un pays fracturé par l’épidémie de Covid-19 et quatre ans de présidence trumpienne. C’est là-dessus, il en est convaincu, qu’il sera jugé par son peuple.