L'Express (France)

Insécurité : la vérité sur « Papy Voise »

Pour être réélu, Emmanuel Macron devra avoir retenu les leçons de la légende autour de l’agression survenue le 18 avril 2002.

- PAR ÉTIENNE GIRARD

Son sobriquet est devenu un concept politique qu’on lance en plissant les yeux pour faire érudit. Le symbole du « sensationn­alisme médiatique » et de « la prise en otage d’une élection sérieuse par une émotion de mauvais aloi – à laquelle il faudra désormais s’adapter ». Paul Voise, dit « Papy Voise », a été agressé chez lui, à Orléans, le 18 avril 2002. Deux personnes l’ont tabassé avant d’incendier sa maison. La silhouette frêle du septuagéna­ire tourne en boucle sur les télés durant le « samedi de réflexion », veille du premier tour de la présidenti­elle. A 20 heures, le dimanche 21, c’est le visage de Le Pen qui surgit au côté de celui de Chirac. Exit Jospin, victime des malheurs de Papy Voise et du racolage de TF1.

Sauf que cette légende est en partie fausse. Dès la mi-avril, les sondages montraient un risque de croisement des courbes. Le candidat du Front national était donné en plein essor, à 14 %, soit 4 points de plus qu’un mois plus tôt, tandis que le Premier ministre socialiste dévissait de 4 points, à 18 %. Surtout, le 14 mars, un autre sondage aurait dû alerter les états-majors solférinie­ns : 58 % des Français estimaient que l’insécurité constituai­t le sujet le plus important de la campagne, un thème sur lequel le candidat de gauche apparaissa­it peu crédible (50 % des sondés ne lui faisaient pas confiance). « Parler du “syndrome Papy Voise”, c’est très réducteur, estime Jérôme Fourquet. Il s’agit en réalité du dernier élément d’une longue série. Tout le “quinquenna­t” Jospin a été pollué par le thème de l’insécurité. »

Ce précédent doit servir de leçon à Macron. Deux indicateur­s clignotent en rouge écarlate. Comme en 2002, les Français font aujourd’hui de la sécurité leur priorité n° 1, à un niveau moindre, il est vrai (36 %). Et, comme en 2002, le gouverneme­nt souffre d’un déficit de crédibilit­é préoccupan­t sur la question : selon une enquête Odoxa réalisée début mai, 78 % des sondés ne font pas confiance à l’exécutif pour assurer leur sécurité au quotidien. Gérald Darmanin revient dans nos colonnes sur ces enjeux auxquels L’Express consacre un dossier cette semaine. Le ministre de l’Intérieur sait qu’il lui faudra présenter des résultats visibles d’ici à avril prochain. A défaut, le candidat Macron se retrouvera à la merci de l’agression d’un « Tonton Emilien » ou d’une « Mamie Véronique », susceptibl­es d’activer le sentiment d’insécurité latent ressenti par une part de l’électorat. D’autant que, contrairem­ent à 2002, il existe désormais quatre chaînes d’informatio­n en continu, et des réseaux sociaux qui raffolent des images choquantes.

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