Allemagne Le monde selon Annalena Baerbock
Aux législatives de septembre, la candidate écologiste pourrait devenir ministre des Affaires étrangères, voire... chancelière. Son credo : faire mieux résonner la voix de Berlin à l’international.
« Elle ne veut plus d’une politique extérieure rythmée seulement par les intérêts économiques »
Dans quelques mois, elle pourrait bien s’asseoir autour d’une table avec Emmanuel Macron, Joe Biden, Vladimir Poutine et Xi Jinping. Encore inconnue en France, Annalena Baerbock a des chances de se retrouver à la tête de l’Allemagne. Cette députée de 40 ans a en effet été choisie par les Verts pour concourir à la chancellerie, lors des élections législatives du 26 septembre. Les sondages placent les Grünen au coude-à-coude avec les conservateurs, au pouvoir, mais minés par des luttes intestines.
Si les écolos terminent en tête, Baerbock succédera à Angela Merkel – qui tire sa révérence, après seize ans passés à la tête du pays. S’ils finissent derrière les conservateurs, elle pourrait récupérer, au sein de la future coalition, le ministère des Affaires étrangères. Une configuration historique pour les écolos allemands, qui ont opéré une mue spectaculaire ces dernières années. Fini l’anticapitalisme et l’antimilitarisme des débuts ! Les Verts nouvelle génération veulent être considérés comme un parti de gouvernement, capable de ternir son rang au sein d’une coalition fédérale. Annalena Baerbock incarne ce virage pragmatique. Elle l’a déjà dit : elle compte faire entendre la voix de Berlin sur les droits de l’homme et le réchauffement climatique.
Certes, elle n’a jamais été ministre, pas plus qu’elle n’a dirigé de Land, contrairement à ses principaux concurrents à la chancellerie, le conservateur Armin Laschet et le social-démocrate Olaf Scholz. Mais cette juriste formée à Hambourg et à Londres possède un atout qui leur manque : une dimension internationale. Après avoir fait ses armes comme assistante d’une eurodéputée écologiste, elle entame une irrésistible ascension au sein du parti : conseillère pour la politique étrangère et de sécurité, puis, une fois élue au Bundestag (2013), membre du comité des affaires européennes et porte-parole du groupe écologiste sur le climat, ce qui lui a valu de participer aux accords de Paris de 2015. Son ambition ? Rompre avec, dit-elle, la « passivité » d’Angela Merkel en matière diplomatique. « Elle ne veut plus d’une politique extérieure rythmée seulement par les intérêts économiques du pays », fait valoir Jens Althoff, de la Fondation Heinrich Böll. Elle l’a d’ailleurs annoncé : « Traiter différemment les régimes autoritaires est pour moi un point clef dans un futur gouvernement fédéral. » Dans son viseur : la Chine et la Russie. Elle souhaite que les produits issus du travail forcé des populations ouïghoures, persécutées par Pékin, ne soient pas vendus en Europe.
Pour Annalena Baerbock, la défense des droits de l’homme devrait être un point clef du prochain gouvernement fédéral.
Et elle demande l’abandon du projet de gazoduc germano-russe Nord Stream 2, pourtant en voie d’achèvement.
Cette ligne dure rejoint celle du président américain Joe Biden, dont elle salue les engagements en faveur du climat. Et à qui elle propose de travailler à un « accord transatlantique vert » entre les deux continents. En revanche, sur les dépenses militaires, l’entente se fendille. Annalena Baerbock estime « inutile » de les porter à 2 % du PIB, comme l’exige Washington des membres de l’Otan. Ce qui ne l’empêche pas de plaider pour un renforcement des capacités opérationnelles nationales « afin d’être un allié militaire fiable », note Paul Maurice, chercheur au comité d’étude des relations franco-allemandes de l’Ifri. « Il y a des moments où l’action militaire peut empêcher le pire », a-t-elle convenu. Un positionnement dans la droite ligne de l’un de ses modèles, Joschka Fischer, premier « écolo » ministre des Affaires étrangères (1998-2005). Rompant avec le pacifisme radical des Grünen, il avait entraîné