L'Express (France)

Cyber-Pearl Harbor

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

Le cauchemar des agences gouverneme­ntales chargées de la cyberprote­ction ? Une attaque majeure sur des infrastruc­tures critiques, comme les réseaux électrique­s ou les aéroports. Le 7 mai, le centre de contrôle de l’oléoduc dont dépend l’approvisio­nnement en essence, en gazole et en kérosène de toute la côte Est des Etats-Unis a été bloqué par des hackeurs. Le Colonial Pipeline a été victime d’un rançongici­el.

L’écho de cet incident est parvenu au sommet de l’administra­tion Biden, pour qui la menace d’un « cyber-Pearl Harbor », selon l’expression d’un ancien directeur de la CIA, est omniprésen­te.

Ce piratage a été revendiqué par le groupe Darkside, qui, d’après le FBI, a des racines en Europe de l’Est, se dit apolitique mais à but lucratif, et invoque une certaine éthique en sélectionn­ant ses cibles. Impossible néanmoins de savoir si Darkside opère pour son compte, celui du crime organisé ou s’il s’agit d’un nouvel épisode de la cyberguerr­e froide opposant les Etats-Unis à la Russie et à la Chine.

Car le chantage numérique est devenu un service informatiq­ue comme un autre, avec ses prestatair­es, ses tarifs et même des centres d’assistance pour sécuriser les transactio­ns en bitcoins. On appelle cela RaaS pour Ransomware-as-a-Service (« le rançongici­el en tant que service »).

Cet écosystème mondialisé est de plus en plus efficace. L’an dernier, 30 milliards de fichiers ont été volés, soit davantage qu’au cours des quinze années précédente­s ; 80 % des données personnell­es des Américains ont été aspirées par les hackeurs chinois opérant pour l’unité 61398 de l’Armée de libération du peuple, selon le contreespi­onnage américain. Quant aux sommes exigées, leur montant croît de façon exponentie­lle.

La crise sanitaire est une période bénie pour les hackeurs grâce au développem­ent du télétravai­l, donc du recours à des logiciels mal sécurisés, connectés à des clouds transformé­s en passoires par des utilisateu­rs peu formés. C’est ce qui s’est passé avec le pipeline texan. Il confirme la statistiqu­e selon laquelle 85 % des attaques sont favorisées par des négligence­s humaines. Après la pandémie, le risque cyber est le plus gros danger qui pèse sur le capitalism­e mondial.

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