Laurent Combalbert, négociateur de choc
A 50 ans, cet ex-policier d’élite du Raid se lance sur le terrain de la fiction et publie Négo, un thriller palpitant sur fond de péril écologique. Portrait.
Il est toujours enthousiasmant de saluer la venue d’un nouvel auteur talentueux. Notamment dans le monde, très encombré, des explorateurs du noir. Celui-ci vient étoffer la famille des frères d’armes, ou plutôt de plumes, flics ou ex-flics, qui jouent au gendarme et au voleur avec les mots – Roger Borniche, Danielle Thiéry, Olivier Norek, Hugues Pagan, JeanMarc Souvira, Hervé Jourdain, Christophe Guillaumot… Voici donc Laurent Combalbert, ex-policier d’élite, ex-négociateur professionnel du Raid. L’homme a déjà publié une vingtaine d’ouvrages techniques sur son métier, déclinant à l’envi ses recettes pour prévenir les conflits avec ses collaborateurs, ses patients, ses enfants, son conjoint, voire avec son kidnappeur ou son preneur d’otage… Mais, avec Négo, c’est la première fois qu’il s’adonne à la fiction. Il aura attendu ses 50 ans pour sauter le pas et tourner de nombreuses pages, comme il nous l’explique par visio de son antre du nord de la Bourgogne.
C’est à « une heure quarante-cinq de Paris » qu’accompagné de sa femme, directrice des opérations, l’athlétique globe-trotteur (quelque 100 négociations par an dans le monde depuis deux décennies) a déposé ses armes : caméras, satellites, salle de crise, master class de concertation, campus de formation, le tout entouré de 12 hectares de forêt. Pour ce faire, il s’est délesté de ses parts dans la société ADN Group, cofondée avec son alter ego Marwan Mery, qui aide entreprises et organisations gouvernementales à résoudre toutes sortes de conflits. « C’était un deal avec Marwan, commente Laurent Combalbert. J’avais décidé de reprendre ma liberté à 50 ans, afin de pouvoir choisir mes négociations et ainsi me consacrer au kidnapping, à l’extorsion et aux tensions sociales ; je souhaitais aussi m’impliquer encore plus dans des activités philanthropiques via ma fondation, Don de confiance. On y forme gratuitement des gamins en rupture scolaire, en leur expliquant comment le travail sur la confiance, l’estime de soi ou encore la prise de risque peut les aider au quotidien. »
« Inspirer et transmettre », tels sont les mots d’ordre de ce natif de Toulouse, qui compte parmi ses inspirateurs Michel Marie, l’homme du Raid qui a oeuvré lors de la prise d’otages d’une maternelle à Neuilly, en 1993. « Il m’a fait confiance, se souvient Laurent Combalbert, en m’appelant très vite, après ma sortie de l’école d’ofciers, au sein de sa jeune équipe de négociateurs ; puis il m’a envoyé, en 2000, parachever ma formation auprès du FBI. » De quoi se constituer un bon réseau et un CV en béton, qui lui sont fort utiles lorsqu’il se lance dans le privé, en 2004. De quoi aussi multiplier les missions tous azimuts. C’est à tout cela qu’il songe dans l’avion qui le ramène de l’océan Indien en avril 2020, et à son envie d’écrire un polar, un défi pour l’homme aux nerfs d’acier. « Je venais de négocier avec un vrai dingo, quelqu’un d’intelligent, froid, posé, qui m’avait donné du fil à retordre. Je me suis demandé : “Si ce gars-là rencontrait un autre dingo, que pourraient-ils fomenter ?” Durant le voyage, j’ai écrit un chapitre que j’ai fait lire à des amis de la Direction générale de la sécurité extérieure, ils étaient emballés, alors j’ai continué. » Ainsi est né Négo, thriller mené tambour battant qui nous entraîne dans l’univers glaçant des « effondristes », fanatiques prêts à déclencher le chaos pour aider à l’émergence d’un nouveau monde.
L’ouvrage s’ouvre sur une petite mise en bouche pour le négociateur indépendant Stanislas Monville (marié à Elia, pédiatre, et père d’une jeune Lara, écolo) : le kidnapping contre rançon d’un gamin vénézuélien. L’affaire rondement bouclée, le voilà sollicité par le mystérieux et séduisant Joshua, émissaire d’un richissime groupe japonais, qui lui demande de l’aider à acquérir 1 million d’hectares dans le sud du Laos afin de constituer le plus grand laboratoire de biodiversité au monde. « Un bon négo n’a pas d’ego » : Stanislas aurait dû suivre ce précepte fondamental du métier avant d’accepter cette mission fort lucrative, car, évidemment, la terre laotienne est vouée à un projet beaucoup moins louable. Epaulé par une équipe de choc – Moïse, un ancien du Mossad, Nathalie, ex-psychologue au sein de la police québécoise, et Markus, ex-diplomate autrichien –, Stanislas va affronter Joshua, qui se révèle être un psychopathe maléfique, des militants écologistes accros à la lutte armée, les graves problèmes de sa fille et ses propres cauchemars d’ancien militaire en Afghanistan. Le tout en se gardant de la moindre « fuite émotionnelle ».
Le plus incroyable, c’est que tous ces personnages existent (sous d’autres noms, bien sûr), comme nous le confie l’auteur, qui les a croisés un jour ou l’autre au cours de l’une de ses 2 000 négociations. Riche d’une telle matière et pris au jeu de l’écriture, Laurent Combalbert a déjà largement entamé son deuxième polar. Mais, pour l’heure, quand il est sur un plateau de télé, c’est pour évoquer, en expert, l’enlèvement de la petite Mia, et non les missions à haut risque de son héros. Faut que ça change !