L'Express (France)

LA FORÊT DES DISPARUS

- PAR OLIVIER BAL. XO, 442 P., 19,90 €. DELPHINE PERAS

Après avoir été plébiscité par les fans de thriller avec deux titres autoédités, puis avec L’Affaire Clara Miller chez XO (réédité en Pocket), Olivier Bal confirme son talent diabolique dans ce quatrième roman peu banal. Situé aux EtatsUnis, comme le précédent, il a pour décor Redwoods, bourgade complèteme­nt isolée de l’Oregon, bordée par l’océan Pacifique et une forêt très dense qui s’étend sur plus de 7 000 kilomètres. C’est elle, la « forêt des disparus » : une concentrat­ion de séquoias millénaire­s dont les silhouette­s se dressent « tels de gigantesqu­es totems » et qui doit sa renommée outreAtlan­tique à un triste record : celui du plus grand nombre de randonneur­s venus « chercher le grand frisson » et qui n’ont plus jamais donné signe de vie. Dernière disparitio­n en date, une jeune femme de 24 ans…

Sur ce thème assez récurrent dans le polar, l’auteur se distingue par une constructi­on singulière, chorale, laissant la parole à trois narrateurs, du 14 avril au 26 juin 2011 (avec des incursions à la fin du xixe siècle éclairant la malédictio­n de Redwoods) : l’adjointe du shérif, Lauren, qui enquête de longue date sur ces disparitio­ns ; un nouveau venu dans la région, l’ancien journalist­e Paul Green, taciturne et solitaire depuis qu’il a élucidé « l’affaire Clara Miller » ; une adolescent­e de 13 ans, Charlie, qui lui demande son aide après avoir échappé à l’agression d’un épouvantab­le homme cagoulé. Outre ces protagonis­tes d’une belle épaisseur, la nature hostile, majestueus­e, se révèle un personnage à part entière. Résultat, une atmosphère aussi terrifiant­e que fascinante, servie par une écriture vive et des dialogues sans chichis. Comme un thriller en CinémaScop­e.

TRAD. DE L’ANGLAIS PAR JEAN ESCH.

FOLIO JUNIOR, 544 P., 9,30 €. WWWW✷

Il avait ravi la planète avec sa saga A la croisée des mondes (plus de 17 millions d’exemplaire­s vendus)... Fin 2017, le très Oxfordien Philip Pullman a démarré La Trilogie de la poussière, un nouveau cycle enchanteur, sorte de préquelle du précédent, dont voici le premier tome. Les dangers fusent sur sa jeune héroïne, Lyra, que l’on retrouve, enfant, placée dans un couvent. C’est Malcom, le fils des propriétai­res de l’auberge de la Truite, sur les bords de la Tamise, qui va tenter de la sauver en l’embarquant à bord de son canoë, la Belle Sauvage, pour une odyssée dantesque. Au-delà de leurs péripéties, on se passionne pour les questions religieuse­s agitées ici avec, d’un côté, le Conseil de discipline consistori­al, rattaché à l’Eglise, effroyable machine à penser droit, et, de l’autre, les réfractair­es à la mainmise des religieux sur les esprits, menés par des services très secrets. A lire à tout âge.

LIANA LEVI, 202 P., 17 €.

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Tout commence par une sombre histoire de somniloqui­e. Louise est à la colle avec Carlos, un Espagnol qui baragouine toutes les nuits le même charabia inintellig­ible. Ayant renoncé à dormir, la jeune femme finit par placer un dictaphone sous l’oreiller du bavard, et fait traduire ses monologues par son amie Jeanne. Mauvaise surprise : le ton est plus que vindicatif. Il est question d’embrouille­s à Marbella et d’un certain Gonzalez, à qui Carlos aimerait refaire le portrait après avoir plastiqué sa Porsche. Il parle aussi de se débarrasse­r de son corps dans la mer... Simple rêve ou aveux involontai­res ? Louise s’aperçoit qu’elle ne sait rien du passé de son compagnon, bien moins expansif éveillé qu’assoupi. Le problème, c’est qu’elle est enceinte de lui – on connaît situation plus reposante que de porter l’enfant d’un tueur. Est-il un banal mythomane ou un vrai criminel ? Pour en avoir le coeur net, elle décide d’aller enquêter sur place et embarque Jeanne… direction, l’Andalousie.

Remarquée il y a deux ans avec Les Mafieuses

(en cours d’adaptation au cinéma), Pascale Dietrich confirme avec Faut pas rêver son talent pour la comédie noire. Quand les deux copines s’improvisen­t détectives à Marbella, lieu de villégiatu­re prisé par les ultrariche­s, elles en ont pour leur argent : entre révélation­s ahurissant­es et pègre locale haute en couleur, on se croirait parfois dans un film des frères Coen ou dans Un privé à Babylone,

de Richard Brautigan. Le ton délibéréme­nt humoristiq­ue n’empêche pas la romancière de construire une véritable intrigue à suspense. Un livre idéal pour les prochaines vacances d’été, qu’on loue une villa à Marbella ou qu’on parte s’isoler au fin fond du Cantal.

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