Vers un numérique (un peu plus) responsable
La réflexion sur l’impact du tout digital fait bouger les lignes, dans les banques comme dans les collectivités.
« Nous, utilisateurs du numérique, grâce à nos usages, nous pouvons aussi être acteurs. Deuxième service le plus utilisé au monde sur Internet, le mail n’est pas l’usage le plus impactant, mais il est un vrai moyen de prise de conscience pour passer à l’action, », estime Lucile Vannier, à la tête d’e-Green. Né d’un hackathon Banque populaire dédié au numérique responsable, le projet veut permettre aux collaborateurs de mesurer l’impact environnemental de leurs usages numériques.
Pédagogique, fluide, l’outil développé par Informatique Banque populaire est intégré, pour ses collaborateurs, aux menus d’Outlook : il y est reconnaissable à sa petite feuille verte. Très concrètement, à mesure qu’ils rédigent un e-mail, les émetteurs peuvent voir cette feuille passer du vert à l’orange ou… au rouge, selon la prise de poids du message. Un clic délivre les astuces pour l’alléger (partager la pièce jointe par un autre moyen, modifier la signature, réduire le nombre de destinataires, supprimer l’historique), ainsi qu’un lien vers une plateforme de formation qui aide à aiguiser les consciences sur la question environnementale. Si les tests sont concluants, la création d’un tableau de bord est envisagée pour mesurer précisément l’impact des usages d’e-Green, car « on n’améliore que ce que l’on mesure ». De quoi remplacer les estimations (16 tonnes d’équivalent CO2 par an pour une entreprise de 100 salariés (1)) par des chiffres incontestables.
Le sujet intéresse également les services achats des entreprises ou des collectivités. Depuis le printemps 2020, les appels d’offres passés par la communauté de communes Maremne Adour Côte Sud (Macs), dans les Landes, intègrent ainsi les exigences du numérique responsable. Tout a commencé par la formation de six agents du service informatique de la Macs et l’obtention du label Numérique responsable (2), puis cette petite révolution s’est répercutée sur les personnels des 23 communes, les 400 élus et les 70 000 habitants. Le premier appel d’offres pour les photocopieurs a été donné en modèle à toutes les communes. « Il a suscité beaucoup de questions, explique Fabien Zaccari, directeur des systèmes d’information. Nous avons dû faire de la pédagogie, expliquer le recyclage, les emballages, les labels papier, aider nos fournisseurs à comprendre nos nouveaux critères. » Avec la certitude de créer une belle dynamique. « La communauté de communes est le bon échelon pour développer une nouvelle politique de responsabilité environnementale », confirme son président, Pierre Froustey, déjà engagé dans le programme Néo Terra de la région Nouvelle-Aquitaine. Côté matériel informatique, la collectivité prend aussi en charge les 300 ordinateurs des agents, les 2 000 postes dans les écoles et les 3 000 tablettes des élèves. L’heure est à l’allongement des durées de vie du matériel, au réemploi. Le plus difficile, finalement, a été de dénicher le bon reconditionneur, situé dans la région.
Cette nouvelle réflexion environnementale vertueuse touche déjà de nombreux chantiers. Pour informer les habitants, la sobriété et l’efficacité des SMS ont, par exemple, été préférées au maintien de coûteux panneaux urbains à affichage électronique. Le chiffrage du projet en a été modifié : il est passé, pour une durée de trois ans, de 800 000 euros à… 30 000 euros ! Un changement de mentalités aussi profitable à la planète qu’aux finances de la communauté de communes. (1) Selon l’Ademe, dans une entreprise de 100 salariés, réduire de 10 % les envois d’e-mails, de 10 % leurs impressions et en supprimer 1 000 par collaborateur permet d’économiser 16 tonnes d’équivalent CO2 par an. (2) Conçu par l’association INR, en partenariat avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, l’Ademe et WWF, le label Numérique responsable (NR) a été lancé fin 2019 avec la volonté de rationaliser et de systématiser les approches, les outils et les méthodes en ce domaine.