Faut-il raboter le crédit d’impôt recherche ?
Un récent rapport de France Stratégie dresse un bilan mitigé de la première dépense fiscale de l’Etat, dont le coût s’élève à près de 7 milliards d’euros par an.
OUI / « CET OUTIL COÛTE CHER ET N’ATTEINT PAS SON BUT PROCLAMÉ »
La France a fait du crédit d’impôt recherche (CIR) le coeur de sa stratégie de soutien aux activités recherche et développement. Cet outil a pourtant deux défauts majeurs : il coûte cher et il n’atteint pas son but proclamé. L’octroi d’un crédit d’impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu’à 100 millions d’euros (et 5 % au-delà) pour stimuler l’innovation pouvait paraître efficace. En réalité, cette stimulation n’a pas lieu. Certes, les entreprises bénéficiant du crédit d’impôt semblent être dans leur grande majorité innovantes, mais elles ne modifient pas leur trajectoire de dépenses de R&D ou de performances grâce au CIR. On mesure des effets faibles quoique positifs sur les petites sociétés, et l’on n’observe aucune réponse des grandes.
Pire encore, la quasi-absence de plafond au dispositif – une singularité française – rend la politique très coûteuse, précisément du fait de ces grandes entreprises. Sur les 6,4 milliards d’euros que coûte annuellement le CIR, plus de 3,5 milliards bénéficient aux 200 plus gros demandeurs. C’est cher si cela ne fait que diminuer le coût de dépenses de R&D engagées quoi qu’il arrive. Si un but implicite était probablement d’alléger la fiscalité de nos « champions nationaux », cet objectif mérite d’être discuté et ne doit pas être confondu avec la politique de recherche et d’innovation française. Le cumul du CIR et de la baisse de l’impôt sur les sociétés pourrait en outre se retrouver à contresens de la hausse de recettes actuellement recherchée conjointement par les pays de l’OCDE.
Il faut donc raboter le CIR. A minima, cela doit passer par un abaissement du plafond au-delà duquel le crédit d’impôt baisse de 30 à 5 %. En diminuant ce plafond à 10 millions d’euros de dépense de R&D au lieu de 100 actuellement, on laisserait le dispositif inchangé pour 99 % des entreprises tout en divisant par près de 2 le coût pour l’Etat. Cette sommepourrait être redirigée pour stimuler l’innovation de façon plus efficace : des bourses thématiques allouées aux petites entreprises, populaires outreAtlantique, ou des financements à la recherche publique, dont on sait qu’elle peine à tenir la comparaison internationale faute de moyens.