L'Express (France)

« Kamala Harris, une femme qui comprend la complexité du monde »

Auteur d’une biographie consacrée à la vice-présidente, le journalist­e Dan Morain évoque la personnali­té de l’ex-procureure générale de Californie devenue n° 2 du pays.

- PROPOS RECUEILLIS PAR AXEL GYLDÉN

Chargée par Joe Biden de trouver des réponses à la question des migrants venus d’Amérique centrale, Kamala Harris s’est rendue au Guatemala et au Mexique les 7 et 8 juin. L’occasion pour Dan Morain, ex-reporter au Los Angeles Times et auteur d’une biographie trépidante*, de nous éclairer sur la première femme métisse à devenir vice-présidente des Etats-Unis.

En confiant à Kamala Harris le dossier des migrants, le président Biden lui a-t-il fait un cadeau empoisonné ? Dan Morain Il ne lui aurait pas confié cette tâche s’il ne croyait pas en sa capacité à proposer des solutions. Les pays du « Triangle du Nord » [NDLR : Guatemala, Honduras, Salvador, d’où partent les migrants] sont dans un état effroyable. Si les Etats-Unis parviennen­t à y améliorer les conditions de vie, afin que les habitants n’aient plus envie de fuir leur terre, Kamala Harris aura réussi.

Quels moments ont été déterminan­ts dans sa carrière ?

Sa décision, en 2004, de ne pas réclamer la peine de mort contre un homme qui avait tué un agent de police municipal lui a valu une pluie de critiques au début de sa carrière de procureure du district de San Francisco. Elle a dû se défendre bec et ongles pour répondre aux attaques, y compris celles de son propre camp. Cela lui a appris la prudence. Autre moment fort : la crise des subprimes. Devenue procureure générale de Californie, elle a négocié pied à pied en 2011 avec les grandes banques afin d’obtenir de meilleures conditions pour les propriétai­res de maison. Face aux puissants intérêts économique­s, elle a montré un caractère bien trempé.

Incarne-t-elle le « rêve américain » ?

Absolument. Arrivée outre-Atlantique en 1959, à l’âge de 21 ans, sa mère est entrée à l’université de Californie, à Berkeley. Son père s’y est retrouvé quelques années plus tard pour étudier l’économie. Aucun d’eux n’est devenu riche – ils étaient des intellectu­els, elle, originaire­s d’Inde, lui, de la Jamaïque. Leur rencontre a produit la viceprésid­ente des Etats-Unis. Le rêve américain, c’est ça ! Ce scénario se répète constammen­t : des immigrants débarquent, eux ou leurs enfants gravissent les échelons… ou n’y parviennen­t pas et mènent une vie plus difficile. En 1964, année de naissance de Kamala Harris, les Californie­ns étaient invités à se prononcer par référendum sur le maintien de la ségrégatio­n immobilièr­e. Ils ont voté oui. Par la suite, la Cour suprême a invalidé cette mesure. Mais c’est vertigineu­x d’imaginer qu’elle est née dans un pays où la ségrégatio­n était encore légale.

Le fait que Kamala Harris soit une métisse favorise-t-il le rayonnemen­t américain dans le monde ?

Sans doute. Kamala Harris comprend les psychologi­es des mondes asiatique, caribéen, noir. Elle a vécu dans un environnem­ent francophon­e, à Montréal, durant son adolescenc­e. C’est quelqu’un de multicultu­rel, à l’aise avec la complexité du monde.

* Kamala Harris. Des rues d’Oakland aux couloirs de la Maison-Blanche, par Dan Morain. Talent Editions, 352 p., 17,90 €.

Retrouvez l’intégralit­é de l’interview sur Lexpress.fr

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Une nouvelle image du rêve américain.

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