L’épidémie de Covid ne fait pas les affaires des yakuzas
De plus en plus de restaurateurs en difficulté, soutenus par la police, refusent de se faire racketter par la pègre.
«Soulagé de ne plus avoir à payer. » Pour ce propriétaire d’un restaurant à Tokyo, le Covid-19 n’a pas que des mauvais côtés. Certes, les états d’urgence imposés depuis le début de la pandémie entravent son activité. Mais ses difficultés l’ont convaincu de cesser de payer le mikajimeryo,
« l’argent de la protection » perçu par les yakuzas auprès des bars, restaurants et autres petits commerces. Une enveloppe qui peut atteindre plusieurs centaines d’euros par mois. Le mikajimeryo se règle en liquide ou par des achats à des entreprises affiliées à la pègre : eau, plantes en pot ou porte-bonheur, à des prix exorbitants.
Comme le rapporte le quotidien Asahi, le restaurateur s’acquittait de sa dîme depuis cinq ans.
A cette époque, deux balèzes à la mine sinistre et au regard « maléfique » lui ordonnent d’acheter un shimekazari – une décoration traditionnelle du Nouvel An – à 150 euros. Effrayé, l’homme cède. Les paiements deviennent réguliers, et lui pèsent. Fin 2020, les difficultés liées au Covid le convainquent d’en parler à la police, qui intervient. Le racket cesse. « C’était la bonne décision », confie-t-il aujourd’hui. Selon la police de Tokyo, une centaine d’établissements de la capitale auraient fait de même de janvier à mars.
Il faut dire que la pandémie facilite le travail des forces de l’ordre nippones, déterminées depuis les années 1990 et la promulgation de la première loi de lutte contre ce qu’elles appellent pudiquement les « forces antisociales », à tarir les sources de financement de la pègre. Les yakuzas vivent principalement de la prostitution, des trafics, du jeu et du racket. « Nous voulons que les gens aient le courage de nous contacter pour que les gangs soient éliminés », insiste la police.
Pour le milieu, la chute des revenus du mikajimeryo s’ajoute à la fonte des effectifs. Ceux des 20 principaux groupes mafieux du pays ont baissé l’an dernier de 2 300 membres. La police estime leur nombre actuel à 25 900, bien loin de l’âge d’or des années 1960, quand les 184 000 petits soldats des puissants gangs Yamaguchi-gumi, Sumiyoshi-kai ou Inagawa-kai écumaient le coeur des villes de l’archipel asiatique.
En plus de la répression policière, les tenants du Jingi (« Justice et devoirs ») et du Ninkyodo
(la « voie de la chevalerie »), qui leur interdisent de s’en prendre aux simples citoyens, voient aussi leurs activités traditionnelles décliner. D’où leur tendance à évoluer vers la délinquance en col blanc, moins visible… et plus rentable.