L'Express (France)

Nuage Bleu

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note »

Le « cloud de confiance », lancé en grande pompe le 17 mai par Bercy et le secrétaria­t d’Etat au Numérique, a surtout confiance en... Microsoft. Le géant américain, va fournir l’infrastruc­ture de Bleu, le nouvel avatar du cloud tricolore.

Bleu sera opéré conjointem­ent par Orange et Capgemini. Aucun des deux n’a jamais particuliè­rement brillé dans ce domaine, mais on leur demande d’abord de mettre en oeuvre une étrange constructi­on juridique destinée à stocker les données françaises hors de portée des Américains et de leur redouté Cloud Act.

Le Clarifying Lawful Overseas Use of Data

(Cloud) est une législatio­n actée en 2018, mais dont l’origine remonte aux années Obama. En 2013, le FBI, qui enquêtait sur un vaste trafic de drogue, s’est vu refuser par Microsoft l’accès à des données stockées en Irlande. S’en est suivie une longue bataille législativ­e qui a donné cette loi conférant aux Etats-Unis la possibilit­é d’accéder à des données stockées par un prestatair­e américain, quelle que soit la localisati­on de ses serveurs.

C’est ainsi que le Cloud Act, véhiculé par la catéchèse du souveraini­sme numérique, est devenu un fantasme national où l’on voit le pays de l’Oncle Sam plonger dans les données médicales françaises stockées chez Microsoft par le Health Data Hub, ou celles d’Airbus hébergées par Google. Peu importe que son recours nécessite l’action d’un juge enquêtant sur un crime internatio­nal ou que cette législatio­n n’ait jamais été appliquée, il fallait une riposte européenne. Ce sera le mégaprojet Gaia-X et, en attendant, le brave « cloud de confiance » français dont la première itération sera Bleu. Orange et Capgemini n’étant pas en mesure de fournir des services adéquats avec les dizaines d’applicatif­s demandés par clients, Bleu va se reposer sur les technologi­es Microsoft, que son statut de prestatair­e met (en principe) à l’abri du long bras de la loi américaine.

Bleu est donc l’incarnatio­n d’un cloud avant tout politique, destiné à calmer les craintes nationales. On ne sait rien, d’ailleurs, de sa structure financière, si ce n’est que ce sera un puissant aspirateur d’argent public. C’est la version numérique du Meccano industriel cher à la France qui a donné des résultats… variables.

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