J’AI DIX-HUIT ANS, TOUS LES ÂGES À LA FOIS, ET J’AI UN PAPA
Psychologue « dans la vraie vie », comme l’indique son éditeur, Isabelle Minière n’en est pas moins une auteure prolifique et tout-terrain, de la littérature jeunesse aux nouvelles, de la poésie aux fictions pour adultes. Dans la veine de son avant-dernier roman, Je suis né laid, lauréat du prix Hors Concours des lycéens en 2020, J’ai dix-huit ans… s’annonce sous de sombres auspices : la narratrice, Albertine, évoque son enfance et son adolescence esquintées par les brimades physiques et psychologiques d’une mère tyrannique, sans affection pour sa fille unique, dont le géniteur n’est jamais évoqué. Plutôt que d’affronter « la sorcière », Albertine courbe l’échine, ne pleure jamais ; et surtout, elle se promet d’écrire l’histoire de sa vie, en invente d’autres, comme celle du petit pantin Non-Non, s’évade dans les livres, s’extrait de son triste quotidien par l’imagination.
Le jour de son 18e anniversaire, elle est brutalement congédiée par sa mère, qui lui laisse à peine le temps de rassembler ses affaires et l’incite à se rendre chez son père, dont elle a écrit le nom et l’adresse sur un Post-it. « T’as de la chance, c’est pas loin d’ici. Tu lui diras que c’est à son tour de s’occuper de toi. » La gamine obtempère, non sans appréhender la rencontre avec ce « paternel » qu’elle a tant fantasmé… L’écriture pudique d’Isabelle Minière, éclipsant tout pathos, a tôt fait de ferrer le lecteur, même celui qui redoutait un énième récit glaçant sur les maltraitances infantiles. Ingénue mais obstinée, son irrésistible héroïne entretient sans relâche une flamme vacillante qui deviendra lumière éclatante. A même de l’éclairer pleinement sur le chemin de la reconstruction.