L'Express (France)

AU DIABLE PAUVERT

- PAR BRIGITTE LOZEREC’H. GALLIMARD, 226 P., 19 €. L.-H. DE L. R.

Au sujet de Jean-Jacques Pauvert, Bernard de Fallois l’avait mise en garde : « Méfiez-vous, Brigitte, c’est le diable. » Françoise Sagan n’était pas de cet avis, qui affirmait qu’il suffisait de voir le regard que portait sur elle l’éditeur de Sade pour savoir qu’il l’aimait. Quand Brigitte Lozerec’h rencontre Pauvert à Paris dans les années 1970, il est déjà une légende : celui qui a commencé à 15 ans comme magasinier chez Gallimard s’est lancé dans l’édition en aménageant un bureau dans le garage de ses parents, a publié Sade à un âge où l’on est d’ordinaire encore étudiant… Personnali­té sulfureuse sur tous les plans, ce diable a par ailleurs plusieurs femmes, travaille à la fois avec son épouse et une de ses maîtresses, et ne s’en cache pas : « Il faut que tu tiennes compte, Brigitte, du fait que j’ai toujours vécu dans la duplicité. » Rien à faire : c’est l’homme de sa vie.

Jean-Jacques Pauvert devient son mentor, puis son amant. En 1982, en coédition avec Bernard de Fallois, il publie le premier roman de Brigitte Lozerec’h, L’Intérimair­e. Passage remarqué chez Pivot, succès public, plusieurs traduction­s, projet d’adaptation par Pialat. Tout lui réussit, mais Brigitte décide de partir s’installer à Vannes, tandis que l’éditeur la quitte pour une nouvelle conquête. Elle le retrouvera plus tard et sera sa dernière compagne. Ils iront jusqu’à se marier en 2014, quelques mois avant la mort de Pauvert, affaibli depuis plusieurs années par une hémiplégie. En privé, il était attentionn­é, et Brigitte Lozerec’h écrit des pages lumineuses sur leur compagnonn­age dans le Sud, entre lectures communes (la Correspond­ance de Flaubert) et amitiés fidèles (Annie Le Brun). Ça vaut le coup d’aimer le diable.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France