L'Express (France)

Paris sportifs en ligne : le fléau des « tipsters »

Des influenceu­rs proposent leurs tuyaux moyennant finance. Une pratique illégale qui inquiète les pouvoirs publics.

- SÉBASTIEN POMMIER

Si le marché des paris en ligne est florissant, enregistra­nt un trimestre record (2,2 milliards d’euros misés au début de 2021 en France), le secteur est toutefois perturbé par l’arrivée de pronostiqu­eurs parfois peu scrupuleux. Selon nos informatio­ns, l’Autorité nationale des Jeux (ANJ, ex-Arjel), dont les enquêteurs ont jugé parfois « limites » les politiques d’affiliatio­n d’opérateurs, a prié ces derniers de faire le ménage. Le problème ? Le relais d’influenceu­rs proposant leur service de pronostiqu­eurs moyennant finance, ce qui fait glisser toute la profession sur une douce pente illégale. « En matière de jeux d’argent ou de hasard, le code de la consommati­on interdit clairement la fourniture de pronostics ou de conseils à titre onéreux, sous toutes ses formes. On parle de pratiques commercial­es trompeuses, voire d’escroqueri­es dans certains cas », rappelle Frédéric Guerchoun, directeur juridique de l’ANJ.

Depuis 2019 et les premiers signalemen­ts, les enquêteurs de l’Autorité ont, en effet, observé l’arrivée de « tipsters », de pseudos experts opérant en France ou depuis des pays étrangers, comme Malte. « Nous avons une cinquantai­ne de personnes dans le viseur, dont certaines peuvent gagner plus d’un million d’euros par an. Mais nos pouvoirs d’enquête se limitent aux opérateurs », précise Frédéric Guerchoun. Comment travaillen­t les aigrefins dont ils traquent les pratiques ? Ils recrutent sur Snapchat, proposent des algorithme­s automatiqu­es pour que leur communauté parie les yeux fermés sur les matchs qu’ils choisissen­t. Sur leurs sites Internet, bien faits, des logos falsifiés d’opérateurs de paris partenaire­s comme Betclic, Winamax ou Unibet. Quelques-uns vont même jusqu’à intégrer des bannières gouverneme­ntales (sans autorisati­on, bien sûr) vantant les mérites d’un jeu responsabl­e.

Ces tipsters alimentent leur communauté de vidéos, en promettant une rentabilit­é supérieure à 10 % grâce à un abonnement allant de 50 euros par an à 50 par mois ! Pour élargir leur audience, certains font appel à d’anciens candidats de téléréalit­é qui font miroiter leurs infos – souvent bidon – sur les compétitio­ns à venir. Des pratiques difficilem­ent traçables, car ils utilisent des boucles de messagerie cryptées telles que Telegram pour échanger avec leur communauté, et, bien souvent, des cartes bancaires prépayées pour les règlements.

Au siège de l’ANJ, le phénomène, grandissan­t, inquiète les pouvoirs publics, qui ont décidé de contre-attaquer avec les services d’un youtubeur, Jérémy Nadeau, chargé de tacler les messages des tipsters. « Il est important de dire, notamment au jeune public, qu’il est illégal d’affirmer qu’un produit ou un service augmente les chances de gagner aux jeux d’argent et de hasard », prévient-on à l’ANJ. Le régulateur rappelle au passage que si certains pensent pouvoir vivre des paris sportifs, ils risquent d’être déçus. Selon une enquête réalisée en 2018 par l’Autorité, seulement 0,02 % des joueurs sondés avaient gagné au moins 10 000 euros dans l’année. Si les paris sportifs ont la cote, la promesse de l’argent facile a tout du mirage.

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Le secteur a réuni 2,5 millions de joueurs au premier trimestre 2021.

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