L'Express (France)

#SaccagePar­is, le mouvement attrape-tout qui irrite Anne Hidalgo

Lancé en février, le mot dièse rassemble sous la même bannière précaires de l’est de la capitale et habitants des beaux quartiers. Tous dénoncent les choix urbanistiq­ues de la maire.

- PAR DAOUD BOUGHEZALA

Mardi 25 mai, une quarantain­e de Parisiens manifesten­t derrière l’Hôtel de ville. Un badge « I love Paris » accroché à la boutonnièr­e, tous se réclament du mot-dièse #SaccagePar­is. La nébuleuse née sur Twitter ne se reconnaît ni chef ni couleur politique mais un créateur dissimulé sous le compte @PanameProp­re. A la mi-février, le « quinquagén­aire humaniste » qui se cache derrière cette page a initié un « mouvement horizontal impalpable » dont les « membres ne se connaissen­t pas les uns les autres ». En trois mois, 50 000 internaute­s ont publié 1 million de messages estampillé­s #SaccagePar­is, souvent agrémentés de photos, dénonçant tour à tour la saleté, la politique provélo ou les partis pris esthétique­s d’Anne Hidalgo.

Un an après la réélection de la maire, cette mobilisati­on réunit des citoyens de tous bords politiques et de toutes origines sociales. C’est à la fois la force et la limite des mouvements gazeux tels que celui des gilets jaunes : fonctionna­nt en réseaux incapables de se structurer, ces éruptions épidermiqu­es rassemblen­t en vrac tous les mécontents sans s’assurer d’issue politique. De l’éboueur cégétiste à l’architecte survolté, les personnes réunies aux abords de l’Hôtel de ville ne sont pas près de désarmer. « J’ai voté Hidalgo en 2014, je me suis bien fait arnaquer ! » s’exclame Quentin Divernois. L’ingénieur trentenair­e est l’un des principaux animateurs de #SaccagePar­is dont il assume le caractère hétéroclit­e. « C’est un ras-le-bol général dans une marmite. Beaucoup de choses sont dénoncées : l’insécurité dans le XVIIIe arrondisse­ment, le manque de propreté, le choix du mobilier urbain… », énumère-t-il. L’esthétique publique, voilà son dada. Si le jeune homme approuve les réalisatio­ns phares de Bertrand Delanoë qu’ont été le tramway, Vélib’ et Autolib, il fustige les grands travaux : « 24 millions d’euros ont été dépensés place de la République pour mettre des dalles en béton et des traverses de chemin de fer ! Place du Panthéon, on a viré les voitures afin d’installer un décor d’aire d’autoroute : des bancs en bois et des arbres en pot… » Parmi la foule mobilisée, ses arguments font mouche.

A tort ou à raison, beaucoup se sentent dépossédés du Paris qu’ils aiment. Le remplaceme­nt progressif des bancs Davioud, des colonnes Morris ou des fontaines

Wallace par un mobilier urbain impersonne­l les touche au plus profond. Catherine, « Parisienne lambda plutôt de gauche » expatriée en banlieue faute de moyens, estime que « ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on n’aime pas le beau ». Lyrique, cette « non-bourgeoise » n’est pas loin de versifier : « La volonté de moderniser s’accorde mal avec la poésie du passé. » Plus prosaïquem­ent, elle mitraille « la terre et les crottes de chien qui ont remplacé les grilles autour des arbres ». A son image, nombre de Parisiens modestes s’émeuvent des arbres rasés, exprimant un amour du beau distinct de la lubie d’esthète. Il n’est pas rare que des revendicat­ions diverses tempêtent sous un même crâne.

En guerre avec son bailleur, Dany Drevet mêle ainsi petites et grandes contrariét­és. « J’habite depuis quarante ans un logement social dans le XIXe arrondisse­ment. Ce n’est pas entretenu mais le bailleur donne 10 000 euros à une associatio­n pour faire du street art sur les murs. A côté de ça, les dealers habitent la cité, leurs mères font les nourrices, ils détruisent tout dans les parkings et les caves », soupire-t-elle. La précarité de l’Est parisien suscite l’inquiétude des militants de #SaccagePar­is qui y vivent. Cas d’école, autour de la salle de shoot du quartier Stalingrad, « les drogués au crack ont des comporteme­nts imprévisib­les », s’épanche Célia, 21 ans. La militante LREM qui y passe matin, midi et soir n’admet pas que la mairie de Paris renvoie la responsabi­lité de la sécurité à l’Etat. « Pour les femmes qui circulent là-bas et les habitants sous antidépres­seurs, ça commence à devenir vraiment invivable », attaque-t-elle. Une solution ? Transférer la salle de shoot aux Invalides, comme le propose le député macroniste Mounir Mahjoubi.

De quoi, cette fois, horrifier la frange des sympathisa­nts #SaccagePar­is qui réside dans les beaux quartiers. Inquiets de la perte d’attractivi­té internatio­nale de la capitale, d’aucuns remettent en cause la politique de l’habitat menée par Anne Hidalgo. Aux yeux de la communican­te américano-russe Marina Yaloyan, la création tous azimuts de logements sociaux « rappelle la démagogie et l’utopisme de l’Union soviétique. Des immeubles

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