Fusion des régions, le grand bluff des économies
L’instauration de la nouvelle carte régionale en 2016 n’a pas accouché des économies d’échelle annoncées. En cause, notamment, un alourdissement des masses salariales.
C’est l’histoire d’une réforme qui a fait pschitt. Pourtant, la promesse de départ était ronflante : pas moins de 10 milliards d’euros d’économies à la clef et un grand coup de rabot dans le millefeuille territorial. Voilà ce que Manuel Valls, alors Premier ministre, avait vendu il y a sept ans pour justifier le passage du nombre de régions en France métropolitaine de 22 à 12 (la Corse ayant un statut particulier). Sauf que les milliards économisés, personne n’en a réellement vu la couleur. Et le millefeuille est toujours aussi épais
Alors que les Français retournent aux urnes pour élire leur nouvel exécutif régional, les présidents sortants et leurs équipes ont, tous, le mot « économie » à la bouche. Il faut dire que le rêve élyséen de certains candidats – Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez – les pousse à peaufiner leur image de bons gestionnaires.
Le hic ? Lorsque tous les chiffres sont consolidés, le compte n’y est pas vraiment. Déjà, en 2019, la Cour des comptes s’étonnait, dans son rapport sur la situation financière des collectivités locales, du peu d’impact de la fusion. Les économies d’échelle ? Infinitésimales. Les gains d’efficacité dans la gestion des personnels ? Vaporeux. En février dernier, dans un document passé relativement inaperçu, la direction générale des Collectivités locales remettait une pièce dans la machine : « Les dépenses totales de fonctionnement, hors transports et gestion des fonds européens, se trouvent en définitive au même niveau en 2019 qu’en 2015, que ce soit pour les régions fusionnées ou pour les autres. » Comment expliquer alors un tel décalage entre l’ambition initiale et la réalité chiffrée d’aujourd’hui ?
« Il y a eu tromperie dès le départ. Faire de la réduction des coûts l’objectif de la fusion des régions est le péché originel », attaque Jules Nyssen, délégué général de l’association Régions de France. Remontons donc le temps. Nous voici au printemps 2014. Manuel Valls, fraîchement nommé à Matignon, veut marquer son ministère et son temps, en incarnant la réforme. Dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, il reprend le dossier du big bang territorial promis par Hollande au début de son mandat. Le matador d’Evry promet alors la suppression des départements et la division par deux du nombre de régions. Le premier objectif ne passera pas l’année, victime du lobby des élus de terrain. Reste le mariage de certaines régions jugées trop petites.
« C’est à ce moment-là que l’argument financier devient central », se rappelle Jules Nyssen. André Vallini, fraîchement nommé secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale, entre en scène et avance dans une conférence de presse le gain de 10 milliards d’euros à moyen terme. Un chiffre rond, qui claque et parle à tout le monde. D’où vient-il ? « A l’époque, personne n’est dupe, cette estimation n’est pas sérieuse : trouver 10 milliards d’économies sur un budget total des régions d’une trentaine de milliards était totalement hypothétique », tacle le consultant Michel Klopfer, un des meilleurs spécialistes des finances des collectivités locales. Aucune étude d’impact n’est d’ailleurs réalisée. La France, incapable de remettre ses comptes publics