Mélenchon : à quoi ressemblera l’ultime combat
Après ses frasques, le leader de La France insoumise entame sa dernière campagne électorale. Mais comment diable comptet-il parvenir au second tour ?
Thématiques sociales, transgressions et conflictualité… Ça y est ! La campagne présidentielle de La France insoumise (LFI) est lancée. Depuis quatre ans, au gré des échéances électorales, des pas de côté stratégiques de JeanLuc Mélenchon, entre populisme de gauche et fédération populaire impliquant d’autres mouvements, le parti s’est montré plus ou moins affable avec ses acolytes de gauche. Son leader maîtrise à merveille l’art de souffler le chaud et le froid, et son sens de la camaraderie suit un oscillogramme en dents de scie. Mais, désormais, les zigzags, c’est fini.
Dès le lendemain de la réunion organisée par Yannick Jadot en avril, censée poser les premiers jalons d’une union, le candidat à la présidentielle a cartonné les
Verts, les socialistes et cette « comédie » à laquelle a participé son lieutenant, le député Eric Coquerel. Puis il a continué ses coups de boutoir, en particulier envers les écolos, jusqu’à la fameuse manifestation des policiers devant l’Assemblée nationale où figuraient le PS et EELV – « un événement charnière », assureton à LFI. « A intervalles réguliers, on se disait “peutêtre qu’on peut chercher l’union”, “peutêtre que les autres vont arrêter d’être idiots et de droite”, mais, depuis ça, ne me parlez plus d’union de la gauche », martèle le député Ugo Bernalicis. Cliver, cliver encore, conflictualiser coûte que coûte, et tenir sa ligne : voici la tactique de Mélenchon, déjà éprouvée par le passé, à l’aube de cette ultime course pour l’Elysée.
Au risque, bien sûr, de voir se multiplier les contreattaques. « On va avoir de la part du système, et de certains pour des raisons boutiquières, des attaques frontales pendant un an, prévoit déjà Eric Coquerel. Il n’y a qu’à voir le tweet de Raphaël Enthoven : l’évolution du système politicomédiatique et intellectuel en vient à préférer Hitler au Front populaire. En dernière instance, vous verrez que le monde économique trouvera Le Pen bien moins problématique que nous. »
Autre intérêt de cet antagonisme consciencieux, qui a le mérite de la clarté : parier sur une large avance de JeanLuc Mélenchon sur ses concurrents de gauche dans les sondages pour rafler le « vote utile ». Les Insoumis comptent bien sur leur université d’été à Valence – alors que socialistes et Verts ne se seront pas encore dépêtrés de leurs primaires – pour faire une première démonstration de force. « Les gens vont voir qui est en capacité ou non de gagner, et qui a un programme clair. La dernière ligne droite peut faire bouger quatre ou cinq points et nous faire accéder au second tour », se persuade l’eurodéputé Manuel Bompard, ancien coordinateur général du parti. En théorie, cela se discute. En pratique, encore fautil que le « peuple de gauche » s’astreigne une fois encore à donner son vote à JeanLuc Mélenchon. Les perquisitions, « La République c’est moi ! » et les dérapages sont passés par là et
ont dégradé son image de professeur de la IIIe République. Aux dernières nouvelles, selon le tableau de bord de l’Ifop, les électeurs hors de son socle se détournent du personnage éruptif qu’il est redevenu.
Alors, comment diable pourrait-il atteindre à nouveau les presque 20 % récoltés en 2017 ? Aujourd’hui aux alentours des 11-12 % – son véritable socle –, où Mélenchon irait-il grappiller les dix points, au minimum, qui le qualifieraient pour le second tour ? Questionnés, ses lieutenants s’en remettent à la même nomenclature : il y a ceux « qui ont des intérêts objectifs, sociaux, à voter pour nous et qui ont des valeurs de gauche sans le formuler forcément comme cela », explique Coquerel ; à côté, « l’électorat des désabusés, en colère, qui n’y croient plus, qui s’abstiennent à toutes les élections intermédiaires et qui constituent notre armée de réserve », selon un autre cadre ; en sus, les bobos urbains et diplômés, qui pourraient se décider en fin de campagne… Enfin, il s’agirait de gratter à l’autre bout de l’échiquier, comme le souffle un dirigeant : « On peut également viser un électorat en tension avec Le Pen mais qui, sur les sujets sociaux, est avec nous. Le RN dit qu’il faut rembourser la dette, que la retraite à 60 ans ne s’envisage que si la situation économique le permet… Macron se lepénise sur les questions sécuritaires, et Le Pen se macronise sur les questions économiques. Ça peut faire mouche, mais il y a une désintoxication à faire. »