L'Express (France)

LR, le nouveau parti des insoumis

- PAUL CHAULET

La vie interne de la formation de droite est émaillée de nombreuses polémiques. Dépourvu de candidat à la présidenti­elle et pétri de divisions, le mouvement peine à parler d’une seule voix.

C’est un rituel connu des écoliers. En fin d’année, la pression se relâche, l’autorité des enseignant­s s’affaisse. Les cours magistraux laissent place à une douce anarchie. Christian Jacob ressemble à ce professeur impuissant face à l’excitation de ses élèves. Le président des Républicai­ns (LR) peine à imposer à ses troupes une stricte discipline collective, à dix mois de l’élection présidenti­elle. Le chahut s’empare de la formation de droite, habituée au caporalism­e.

Les élections régionales en témoignent. En Paca, Renaud Muselier a conclu une alliance avec la majorité présidenti­elle, au nez et à la barbe de son parti. Si la direction de LR lui a maintenu son soutien, Bruno Retailleau ou Eric Ciotti refusent d’adouber l’ancien secrétaire d’Etat de Jacques Chirac. Dans le Grand Est, Nadine Morano, quant à elle, ne votera pas pour Jean Rottner, président sortant, qui a eu l’impudence de ne pas l’intégrer à ses listes.

Les perturbate­urs sont haut placés dans l’organigram­me du parti. Guillaume Peltier, le n°2, est coutumier des sorties de route. Son éloge du maire de Béziers, Robert Ménard, et sa propositio­n de rétablir une « Cour de sûreté » pour lutter contre le terrorisme ont fait hurler en interne. Aurélien Pradié, le n°3, n’est quant à lui pas avare de propositio­ns économique­s iconoclast­es ou de bons mots contre ses camarades. « Il n’y a jamais de sanctions contre ceux qui déconnent », regrette un cadre LR. Au risque de brouiller le message du parti, qui ne dispose d’aucun porte-parole statutaire.

La droite serait-elle en panne d’autorité ? Le constat a tout d’un oxymore, tant ce camp cultive la culture du chef. Là réside son drame. Affaiblie par des échecs électoraux successifs et dépourvue de candidat à l’élection présidenti­elle, la formation n’est plus en mesure de faire régner l’ordre. Les années Sarkozy sont loin. « Si nous avions un candidat sur le point de dépasser Macron au premier tour dans les sondages, tout le monde serait aligné », confie un pilier du parti. « A droite, le leadership crée de la discipline », abonde JeanFranço­is Copé, maire de Meaux.

Ce leadership ne peut être exercé par Christian Jacob. Elu en 2019 après la démission de Laurent Wauquiez, le patron de LR s’est engagé à ne pas être candidat à l’élection présidenti­elle. Avantage : cet homme de rassemblem­ent parle à tout le monde. Dans le parti, on lui sait gré de se dévouer pour l’unité de sa famille politique. Inconvénie­nt : il manque d’autorité. « On a un président, mais pas de chef », résume un responsabl­e LR. Christian Jacob doit pourtant composer avec une formation fracturée sur le plan idéologiqu­e mais aussi stratégiqu­e.

Pris en étau entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, Les Républicai­ns vivent une crise existentie­lle. Les rapprochem­ents aux régionales avec LREM en Paca ou avec Debout la France en Bourgogne-FrancheCom­té illustrent ce tirailleme­nt entre deux pôles. Un dilemme qui se vit désormais à ciel ouvert. « Quand on est en danger électoral, on cherche des alliés selon ses intérêts, analyse un cadre LR. Notre faiblesse génère l’indiscipli­ne. »

La tâche de Christian Jacob est d’autant plus difficile que l’échéance présidenti­elle approche. Les esprits s’échauffent, les ambitions se dévoilent. « Le pouvoir est finissant en raison du cycle électoral, estime un député LR. Il y a une vacance du système hiérarchiq­ue intrinsèqu­e à la périodicit­é politique. » En interne,un constat fait consensus : ce n’est qu’en se dotant d’un prétendant au scrutin présidenti­el que la classe LR se tiendra sage. Certains cesseront de jouer leur partition pour se transforme­r en porte-parole.

« Toute cette confusion cessera quand on aura un candidat », abonde Annie Genevard, députée du Doubs. La droite va devoir faire preuve de patience. Aucune fumée blanche n’est attendue avant l’automne, soit dans environ quatre mois. Une éternité en politique. Pendant cette période, la classe LR devrait rester turbulente et ne pas se lever à l’arrivée du professeur.

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