L'Express (France)

Bruxelles au pays des start-up

- Frédéric Filloux Frédéric Filloux est éditeur de la « Monday Note ».

C’est à se demander si les bureaucrat­es de la Commission européenne comprennen­t quelque chose à l’écosystème des start-up. Témoin, la volonté de Bruxelles de protéger les jeunes sociétés contre les acquisitio­ns dites « prédatrice­s », qui risque de décourager un peu plus le financemen­t de l’innovation dont l’Europe a pourtant bien besoin.

La killer acquisitio­n consiste à racheter une pépite pour en capturer l’innovation, parfois avant toute commercial­isation. La Commission veut donc avoir un droit de regard sur les entreprise­s convoitées, même si elles ne font aucun chiffre, afin de pouvoir s’y opposer. Cette idée, bien que noble, méconnaît plusieurs aspects du système. En premier lieu, les innovation­s prédatrice­s ne concernent que 6 % des acquisitio­ns, selon une étude anglo-américaine centrée sur le secteur pharmaceut­ique, qui est bien particulie­r. Le phénomène est donc ultramargi­nal.

Ensuite, dans ce type de transactio­n, la cible est consentant­e. Au contraire d’une OPA boursière hostile, où l’acquéreur va proposer un rachat de titres contre l’avis du management de la firme convoitée, l’acquisitio­n d’une start-up se fait avec l’accord des intéressés, toujours désireux de valoriser leurs stock-options. Et les investisse­urs en capital-risque ont tout à y gagner : leur motivation principale est précisémen­t ce qu’ils appellent la « sortie », avec de préférence un joli multiple par rapport à la mise initiale.

Certaines jeunes pousses se positionne­nt même sciemment sur des technologi­es destinées à intéresser de grands groupes de la tech. Une start-up développan­t un algorithme d’optimisati­on publicitai­re fera logiquemen­t tout pour susciter l’intérêt d’un Criteo ou d’un Google. Une autre spécialisé­e dans l’analyse de ventes cherchera à attirer un acteur du commerce en ligne.

Côté acquéreur, la motivation est souvent liée au facteur temps : gagner six mois en s’offrant une technologi­e ou une équipe d’ingénieurs immédiatem­ent opérationn­els est tentant. Qu’on le juge cupide ou dynamique, le système fonctionne ainsi– aussi mal aisé que ce soit à comprendre pour un fonctionna­ire bruxellois.

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