Bruxelles au pays des start-up
C’est à se demander si les bureaucrates de la Commission européenne comprennent quelque chose à l’écosystème des start-up. Témoin, la volonté de Bruxelles de protéger les jeunes sociétés contre les acquisitions dites « prédatrices », qui risque de décourager un peu plus le financement de l’innovation dont l’Europe a pourtant bien besoin.
La killer acquisition consiste à racheter une pépite pour en capturer l’innovation, parfois avant toute commercialisation. La Commission veut donc avoir un droit de regard sur les entreprises convoitées, même si elles ne font aucun chiffre, afin de pouvoir s’y opposer. Cette idée, bien que noble, méconnaît plusieurs aspects du système. En premier lieu, les innovations prédatrices ne concernent que 6 % des acquisitions, selon une étude anglo-américaine centrée sur le secteur pharmaceutique, qui est bien particulier. Le phénomène est donc ultramarginal.
Ensuite, dans ce type de transaction, la cible est consentante. Au contraire d’une OPA boursière hostile, où l’acquéreur va proposer un rachat de titres contre l’avis du management de la firme convoitée, l’acquisition d’une start-up se fait avec l’accord des intéressés, toujours désireux de valoriser leurs stock-options. Et les investisseurs en capital-risque ont tout à y gagner : leur motivation principale est précisément ce qu’ils appellent la « sortie », avec de préférence un joli multiple par rapport à la mise initiale.
Certaines jeunes pousses se positionnent même sciemment sur des technologies destinées à intéresser de grands groupes de la tech. Une start-up développant un algorithme d’optimisation publicitaire fera logiquement tout pour susciter l’intérêt d’un Criteo ou d’un Google. Une autre spécialisée dans l’analyse de ventes cherchera à attirer un acteur du commerce en ligne.
Côté acquéreur, la motivation est souvent liée au facteur temps : gagner six mois en s’offrant une technologie ou une équipe d’ingénieurs immédiatement opérationnels est tentant. Qu’on le juge cupide ou dynamique, le système fonctionne ainsi– aussi mal aisé que ce soit à comprendre pour un fonctionnaire bruxellois.