Olivier Guez, Astrid Eliard, Debora Waldman et Pauline Sommelet
Jeune, Olivier Guez collectionnait les albums Panini et se rendait au stade de la Meinau comme on va au temple. A défaut de faire carrière au Racing Club de Strasbourg, l’homme est devenu journaliste et écrivain. Ce qui ne l’a nullement guéri de sa passion « absurde et dévorante » pour le football. Un recueil compile les écrits sur le ballon rond de l’auteur de La Disparition de Josef Mengele (prix Renaudot 2017). Plutôt que l’analyse du « 4-4-2 », le grand truc d’Olivier Guez est de montrer que ce sport dessine une parfaite miniature de l’histoire des nations, et que le destin d’un joueur peut raconter toute une époque. Chez ce sémiologue des stades, tout fait sens. Le dribble a été développé au Brésil au début du xxe siècle par des mulâtres (les Noirs étaient interdits dans les grands clubs), afin d’éviter tout contact avec les Blancs. Prenant son envol après la mort de Staline, le légendaire gardien Lev Yachine incarne le dégel, avant de sombrer dans la maladie à l’heure où l’Union soviétique se décompose et de s’éteindre en 1990. Virtuose sorti des bidonvilles, Maradona venge l’Argentine de l’humiliation des Malouines.
Olivier Guez ne cache pas sa nostalgie d’une discipline jadis romantique et baroque. Aujourd’hui, le ballon rond a conquis la planète, incarne le « village global » et l’ère du divertissement, mais a perdu une part de son âme : « Trop de foot tue le foot, mais ils saigneront la bête jusqu’à sa dernière goutte. Le Qatar organisera la prochaine Coupe du monde ; la Ligue des champions sera privatisée. C’est dommage. Nous avons tant aimé le football », conclut-il. En attendant, l’Euro vient de débuter, et on parie que cet aficionado a replongé. Difficile d’échapper à ce jeu aussi « débile » que sublime, auquel ce livre rend un hommage érudit.