Ukraine Svetlana, la tankiste amoureuse qui embarrasse Poutine
Elle aurait dû être l’héroïne d’un film à la gloire des séparatistes prorusses, mais cette soldate est tombée sous le charme d’un agent secret ukrainien. Gênant.
Le Kremlin aurait-il perdu son savoir- faire en matière de propagande ? Les déboires du très patriotique film Opolchenochka (L’Insurgée) le laissent penser. Ce long-métrage très manichéen , dont la sortie était prévue en mars 2019, raconte l’histoire véridique de la Russe Svetlana Driouk, héroïne de l’armée séparatiste du Donbass car seule femme à avoir commandé un char lors de la guerre contre les Ukrainiens. Mais, quelques jours avant sa diffusion, catastrophe ! Svetlana Driouk révèle depuis Kiev qu’elle est passée dans le camp d’en face après être tombée amoureuse d’un agent du SBU, le service de sécurité ukrainien. Pis, elle déballe des informations gênantes sur l’aide militaire russe aux forces séparatistes, alors que Moscou répète depuis 2014 que les insurgés prorusses sont de « simples paysans et mineurs » résistant à « la junte fasciste de Kiev ». Mais Svetlana retourne comme un gant le discours du Kremlin et montre l’envers du décor.
Embarrassées, les autorités séparatistes clament que Svetlana Driouk a été kidnappée par le SBU, puis que la tankiste avait été limogée trois mois plus tôt de ses fonctions militaires. Enfin, l’ancien dirigeant des forces séparatistes, Igor Strelkov, réclame qu’elle soit pendue.
Pour les producteurs du film, c’est la bérézina. Les voilà réduits à affirmer que Svetlana Driouk n’a jamais inspiré le scénario, malgré l’apparition de celle-ci dans la bande-annonce. D’autres scènes sont tournées, afin de gommer la présence de la « traîtresse ». Deux ans plus tard, la nouvelle mouture est prête. Mais les ennuis continuent. En mai dernier, la Maison centrale du cinéma, à Moscou, refuse de projeter le long-métrage, jugé
« trop violent et politisé ». La première aura finalement lieu à Sébastopol, dans la Crimée annexée par Moscou. Là encore, le destin s’acharne.
A la place de cette superproduction à la gloire des séparatistes, des soldats ukrainiens apparaissent à l’écran ! La projection est stoppée « à cause d’un incident technique ».
« Des inconnus ont piraté le fichier numérique et l’ont remplacé par un film à la gloire des Ukrainiens », s’étrangle l’écrivain et histrion nationaliste Zakhar Prilepine, réclamant un « châtiment exemplaire » pour les coupables. La propagande, une arme à double tranchant…