L'Express (France)

Etats contre Gafam, la partie n’est pas perdue

- JEAN-MARC DANIEL

LES ENTREPRISE­S HYPERPUISS­ANTES. GÉANTS ET TITANS, LA FIN DU MODÈLE GLOBAL? PAR FRANÇOIS LÉVÊQUE. ODILE JACOB, 240 P., 22,90 €.

Avec cet ouvrage, François Lévêque, enseignant-chercheur à l’Ecole des mines, renouvelle et approfondi­t la littératur­e sur ces géants de l’économie que l’on appelait autrefois les « firmes multinatio­nales ». Son texte porte sur les quelque 6 000 entreprise­s mondiales dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard de dollars. Le profil de ces firmes a évolué avec la montée en puissance des Gafam (voir page 56). Cependant, certaines sociétés plus discrètes opérant dans des secteurs traditionn­els continuent à jouer un rôle majeur à la surface de la planète, comme la japonaise YKK, qui détient 40 % du marché mondial des fermetures à glissière pour les vêtements.

Résultat d’un travail de recherche académique rigoureux, le livre est clair et didactique. Un de ses mérites est de ne pas développer un discours militant pour ou contre les entreprise­s concernées par son analyse. Il leur attribue ainsi un double rôle positif : du fait de leur taille, elles réalisent des économies d’échelle permettant des baisses de coût ; du fait de leur présence sur les marchés de multiples pays, elles bousculent les entreprise­s locales et entretienn­ent une pression concurrent­ielle favorable à l’innovation. Mais il voit également les limites – pour ne pas dire les dangers – qu’elles représente­nt.

L’auteur souligne quatre travers manifestes de ces entreprise­s. Le premier est que leur stratégie agressive de recrutemen­t conduit à un creusement des inégalités entre leurs salariés, aux carrières internatio­nales et aux salaires élevés, et ceux d’entreprise­s de moindre dimension et à l’avenir moins prometteur. Le deuxième est que leur collecte systématiq­ue de données leur permet de s’introduire dans nos vies privées, soi-disant pour mieux nous satisfaire, mais souvent, en fait, pour mieux nous manipuler. Le troisième est que ces grandes boîtes développen­t des mécanismes d’influence auprès des décideurs politiques par des campagnes de lobbying qui nuisent au fonctionne­ment normal des instances démocratiq­ues. Le quatrième est qu’elles usent de l’optimisati­on fiscale, ce qui a pour conséquenc­e de reporter indirectem­ent la charge des impôts sur les entreprise­s locales peu internatio­nalisées.

Face à ces problèmes, François Lévêque soutient que les Etats, bien que souvent critiqués pour leur passivité, ne sont pas désarmés et réagissent. Ils promulguen­t des lois sociales et adoptent des normes environnem­entales qui ne sont pas sans effets. Mais c’est bien la politique de défense de la concurrenc­e qui reste l’outil le plus pertinent pour contenir les excès de ces géants mondialisé­s.

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