L'Express (France)

Reparlons de la réforme de l’Etat, par Nicolas Bouzou

Au-delà de la sortie du « quoi qu’il en coûte », une transforma­tion des structures publiques s’impose.

- Nicolas Bouzou Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, directeur du cabinet de conseil Asterès.

Le « quoi qu’il en coûte » était la bonne politique ou, plus exactement, la moins mauvaise. Nous en percevons aujourd’hui les bénéfices. Les entreprise­s viables qui ont subi, à partir de février 2020, la récession la plus grave depuis huit décennies sont encore à peu près toutes là. Certes, à cause des prêts garantis par l’Etat, elles sont plus endettées. Mais, grâce à eux, elles ont davantage de liquidités. D’ailleurs, elles investisse­nt et créent à nouveau des emplois. L’économie française a ainsi généré 86 000 postes au premier trimestre 2021, un résultat qui confirme que le marché du travail ne s’est pas effondré depuis le début de la catastroph­e sanitaire.

Le maintien du pouvoir d’achat des salariés permet à la consommati­on de repartir fortement. La conjonctur­e économique est bonne, et elle le restera tant que la situation sanitaire s’améliorera (si ce n’est pas encore fait, faites-vous vacciner d’urgence !).

Apprendre du passé

La crise aura coûté environ 450 milliards d’euros aux finances publiques. Encore cette année, le déficit budgétaire excéderait 9 % du PIB, amenant la dette à plus de 120 % du PIB. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a raison de rappeler que la capacité de la France à s’endetter tient à sa crédibilit­é. C’est la raison pour laquelle la question de la stabilisat­ion de la créance publique et de son reflux se pose à moyen terme. Mais il faut apprendre du passé. Jacques Chirac et Alain Juppé, en 1995, comme François Hollande et Jean-Marc Ayrault, en 2012, ont cassé la reprise en voulant réduire les déficits rapidement par des augmentati­ons d’impôts. Le meilleur moyen d’assurer la solvabilit­é des finances publiques, c’est de procéder dans l’ordre.

1. Atteindre l’immunité collective par la vaccinatio­n le plus vite possible et rester rigoureux quant au respect des gestes barrière.

2. Préparer pour la fin de l’année un nouveau plan de relance axé sur l’investisse­ment des entreprise­s. 3. Réformer l’Etat pour le rendre efficace et, plus globalemen­t, reprendre d’un bon pied les réformes comme celles des retraites et de l’assurance-chômage.

Notre bureaucrat­ie coûte cher

Ces transforma­tions ne doivent pas faire l’objet d’un bricolage politique au moment où nous sommes encore en crise.

C’est particuliè­rement vrai de la réforme de l’Etat, maintes fois annoncée, maintes fois enclenchée, jamais aboutie, alors même que ce sujet est fondamenta­l pour notre économie et pour le bienêtre de nos concitoyen­s. Depuis quinze mois, la crise a rappelé, s’il en était besoin, que notre bureaucrat­ie coûte cher et freine les initiative­s. Les structures publiques doivent faire l’objet d’une simplifica­tion résolue, d’autant que les appels à de nouvelles dépenses d’Etat, en matière de santé, de grand âge, d’éducation, d’enseigneme­nt supérieur, de sécurité intérieure et de défense vont se multiplier ces prochaines années. Mais comment faire ? Comment dépenser moins en multiplian­t les frais ?

En quête de solutions concrètes

Dans l’un des passages les plus passionnan­ts de ses captivants Mémoires, publiés en 2010, Tony Blair explique comment, concrèteme­nt, il a rendu le NHS – le système de la santé publique du Royaume-Uni – ainsi que l’éducation et la police plus efficaces. L’ancien Premier ministre rappelle que la politique libérale des conservate­urs de Margaret Thatcher avait formidable­ment développé l’économie, mais que rien n’avait bougé du côté de l’Etat. Or celui-ci est un ensemble inerte, qui se développe et se complexifi­e tout en se rigidifian­t s’il n’est jamais réformé. Tony Blair souligne aussi que la quasi-totalité des universita­ires consultés alors apportaien­t des idées générales et des conseils politiques, domaines dans lesquels il n’avait guère besoin d’avis extérieurs. En revanche, personne ne lui fournissai­t de solutions concrètes – Nicolas Sarkozy m’avait fait une remarque similaire il y a quelques années.

Tony Blair a résolu le problème en implantant une véritable PME, composée d’une trentaine de personnes et dirigée par Michael Barber, un brillant consultant, « à côté » de la haute fonction publique. Cette « delivery unit » repérait, pour chaque ministère, un problème précis et établissai­t, pour le résoudre, un plan d’action, un calendrier, un suivi de la réalisatio­n et une évaluation

– à laquelle le Premier ministre lui-même participai­t une fois par mois. C’est grâce à ce système, honni, au début, par la haute fonction publique, qu’il a été possible de diminuer les listes d’attente dans les hôpitaux ou de rendre plus juste le traitement des demandes d’asile. Face à des défis colossaux, comme la consolidat­ion de nos finances publiques, une réflexion sur la méthode autant que sur les idées générales est urgente.

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