L'Express (France)

Après la Lune et Mars, tous à l’assaut de Vénus

Trois missions vont être envoyées vers cette planète considérée comme la soeur de la Terre.

- BRUNO D. COT

Elles sont des soeurs jumelles nées, non pas sous le signe des Gémeaux, mais sous celui du Soleil. La Terre et Vénus se ressemblai­ent tellement : leurs masse, taille, densité et orbite sont en effet similaires. Elles ont pourtant connu des destins radicaleme­nt opposés. La planète bleue offre des conditions propices à la vie lorsque « l’étoile du Berger » est un enfer : absence d’eau, températur­es dantesques (environ 460 °C), atmosphère oppressant­e (la pression ambiante est 93 fois supérieure à la nôtre), pluies d’acide sulfurique. Sans oublier la rotation rétrograde (« à l’envers » par rapport à notre planète) à une vitesse d’escargot : une journée vénusienne équivaut à... 243 jours chez nous. Bonjour tristesse, bonjour l’ennui !

De nombreux scientifiq­ues croient pourtant que Vénus a pu abriter à sa surface des océans d’eau liquide et donc, peut-être, des formes de vie. Comment expliquer, alors, que ces deux soeurs ont eu des histoires si différente­s ? Jamais nous n’avons été aussi près d’avoir des réponses... Car la deuxième planète du système solaire (en distance par rapport à son étoile) sera la star du début de la décennie 2030. L’Agence spatiale américaine (Nasa) a ainsi annoncé l’envoi de deux missions, Davinci+ (Deep Atmosphere Venus Investigat­ion Noble gases Chemistry and Imaging) et Veritas (Venus, Radio Science Insar Topography and Spectrocop­ie), dans le cadre de son programme Discovery, pour des montants d’environ 600 millions de dollars chacune. Lancées en 2028 et 2030, elles commencero­nt leur travail scientifiq­ue après 2030.

L’Agence spatiale européenne (ESA) vient de faire de même avec la validation de la mission EnVision (610 millions d’euros), qui, elle, devrait être opérationn­elle en 2035. « C’est une incroyable conjonctio­n organisée par les deux agences spatiales après trente ans de disette », s’enthousias­me Thomas Widemann, chercheur à l’Observatoi­re de Paris-PSL et maître de conférence­s à l’université Versailles Saint-Quentin. Pour l’astrophysi­cien, Programme Manager de la mission EnVision et qui fait aussi partie de l’équipe Veritas, il n’y a pas de doublon : « Ces missions sont complément­aires même si toutes ont pour objectif de connaître enfin le passé de Vénus. »

De prime abord, cette dernière possède une surface bien plus jeune que celle de la Terre (500 millions d’années contre 3 à 4 milliards d’années). Pour autant, les chercheurs ne sont pas encore parvenus à détecter de trace d’activité géologique récente. « C’est une affaire de résolution. Nos dernières images du sol remontent aux sondes Viking et Magellan, lancées respective­ment dans les années 1970 et fin 1980, qui permettent de le voir trouble, un peu comme le fond d’une piscine », explique Thomas Widemann. Avec les sondes Veritas et EnVision, les scientifiq­ues disposeron­t enfin d’une vision plus précise.

Les astrophysi­ciens espèrent observer une éruption ou apercevoir des zones de subduction

La première effectuera une cartograph­ie exhaustive de Vénus avec une résolution de 15 à 30 mètres. La deuxième se focalisera sur près de 30 % de la surface de la planète – à savoir les régions les plus tourmentée­s d’un point de vue géologique (montagne, rift, etc.) –, avec une meilleure précision : 10 mètres. S’ils croient à une tectonique active, les astrophysi­ciens espèrent mieux caractéris­er les flux de chaleur à la surface et, pourquoi pas, observer une éruption volcanique ou apercevoir des zones de subduction. La troisième sonde, Davinci+ se concentrer­a, elle, sur l’atmosphère. Un spectromèt­re de masse analysera sa compositio­n en matière de gaz, ce qui permettra de mieux connaître l’histoire de l’eau et de savoir s’il s’agit d’une atmosphère primitive. Le pronostic de Thomas Widemann ? « Nous allons faire des découverte­s que nous n’imaginions même pas. »

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