Le grand retour du patin à roulettes
En plein essor, cette pratique sportive mise sur ses côtés amusant et nostalgique. Même la mode s’en empare.
En costume-cravate et avec leur attaché-case sous le bras, ces deux cadres supérieurs quittent La Défense pour rejoindre Opéra… en patins à roulettes. Robert, Franco-Américain de 42 ans, a converti son collègue francilien, qui l’accompagne dans ses trajets quotidiens depuis quelques mois. « Prochaine étape : l’initier à la danse sur patins, il va adorer », lance Robert.
Les roller quad, ces patins à quatre roues, stars des années 1980, signent leur grand retour. Les puristes rétorqueront qu’ils n’avaient jamais totalement disparu. Des randonnées étaient en effet régulièrement organisées dans le quartier de Saint-Michel, à Paris, mais la discipline s’était ringardisée. Ce n’est plus le cas. « On note une croissance de 120 %, voire de 130 %, du chiffre d’affaires sur l’année. Il ne s’agit pas d’une tendance éphémère mais bien d’un retour de fond », assure Jonathan Maupin, responsable communication d’Oxelo, la marque de glisse urbaine créée par Decathlon.
Le point de départ ? Mars 2020, quand plusieurs milliers de Français ont ressorti leurs vieux patins du grenier afin de faire du sport dans le périmètre restreint du premier confinement. D’autres ont voulu passer commande. « Mais on n’avait pas les stocks, on n’avait pas anticipé le boom, ajoute Jonathan Maupin. Beaucoup de clients se sont donc tournés vers l’étranger, notamment vers les Etats-Unis, qui commercialisent une offre colorée, moins classique. Aujourd’hui encore, on est en croissance. Et en rupture de stock sur nombre de références. »
La Fédération française de roller et de skateboard souligne les bienfaits de ce sport ultracomplet. Façon randonnée, danse ou derby, le patin à roulettes se décline sous une multitude de formes et promet renforcement musculaire et cardiovasculaire, gainage, travail de l’équilibre et des réflexes… Il s’agit également d’un sport doux pour les articulations. Chutes exceptées. La pétillante et solaire Cécile Bruneau, cheffe d’entreprise, n’est presque jamais tombée depuis qu’elle s’est mise à la discipline. « Il faut dire que je ne suis pas du tout une casse-cou, j’y vais piano, piano », admet-elle. Ses patins, qu’elle ne quitte plus, elle les avait depuis six ans environ. Ils trônaient comme déco dans son salon. Un jour, sous l’impulsion d’une amie, elle décide de les rechausser. « Adolescente, je faisais beaucoup de roller en ligne [NDLR : patins sur lesquels les roulettes sont positionnées en longueur]. Je trouve le quad [où les roulettes sont disposées deux par deux à l’avant et à l’arrière du patin] plus difficile, confie-t-elle. Mais je trouve aussi les codes plus beaux ; cet esthétisme un brin californien me séduit. J’aime également le côté amusant de ce sport, et les sensations de liberté qu’il me procure. »
Il y a deux mois, pour immortaliser ses exploits en photo, son mari Kevin décide de l’accompagner. Il finit par emprunter des rollers – et y succombe à son tour. « Quand j’en discute avec d’autres nouveaux adeptes, beaucoup évoquent spontanément leurs souvenirs d’enfance », raconte Cécile.
Mais la nostalgie seule n’explique pas cet engouement. « Il y a aussi l’état d’esprit : un côté “communauté” rafraîchissant, qui prône des modes de vie sains », avance Clément Julien, 32 ans, clerc de notaire et collectionneurs de patins. « La cible est large puisqu’elle touche des adultes qui ont déjà pratiqué le roller, mais aussi des jeunes. De fil en aiguille, la tendance s’est fortement développée, notamment avec les posts de célébrités en roller sur les réseaux sociaux », explique-t-on chez Impala, une des marques les plus en vue du moment. On ne compte plus le nombre de vidéos sur TikTok et Instagram. Dont celles de la Berlinoise Oumi Janta. Consécration en septembre dernier : l’icône se produit lors du défilé Etam pendant la Fashion Week parisienne. Elle signe aussi une collaboration avec Adidas pour la collection écoresponsable Clean Classics. Début juin, c’est au tour de Bottega Veneta de faire d’Oumi Janta sa muse officielle. Chacune des campagnes est devenue virale, signe d’un marché en plein essor.