L’embarras de la Grande Muette
Dans une tribune récente, des généraux déploraient le « délitement » de la France. Depuis, un malaise parcourt l’armée.
Tempête sous les képis. Dans Valeurs actuelles, une tribune dénonçant le « délitement de la France », signée par des généraux, est publiée le 21 avril, anniversaire du putsch d’Alger. Depuis, un malaise traverse l’armée. En mai, la parution d’un second texte anonyme sur le site du même hebdomadaire, émanant cette fois de « militaires d’active » qui déclarent voir « la violence dans nos villes et villages », a achevé de tendre l’état-major. Remontrances publiques et convocation à un « conseil de discipline ». Une péripétie, peut-être, mais ces textes sont approuvés par une majorité de Français : selon un sondage Harris Interactive publié le 29 avril, 58 % d’entre eux disent soutenir ces généraux. L’institution, pour laquelle le devoir de réserve est un principe cardinal, est embarrassée. Ennuyée, aussi, d’alimenter les stéréotypes selon lesquels elle serait réactionnaire.
Cliché ou vérité ? Pour y répondre, L’Express a voulu en savoir plus sur le poids des réseaux d’influence et sur les courants idéologiques qui circulent dans l’armée française. Elle rassemble en réalité une palette très diversifiée des droites françaises : « 50 nuances de kaki » allant du centre à l’extrême droite. Les rares militaires de gauche que l’on croise l’admettent du bout des lèvres. Une minorité d’officiers attire toutes les attentions : les « cathos tradi ». En grande partie diplômés de Saint-Cyr, ces ultraconservateurs occupent les postes les plus prestigieux de l’état-major.
Mais les choses changent. Plus féminisée, plus ouverte aux jeunes de toutes origines, l’armée des « soldats de rang » – ceux qui y entrent à 18 ans – est aussi souvent plus connectée, plus ouverte, moins traditionaliste et moins engagée politiquement. De quoi préfigurer, d’ici à quinze ou vingt ans, un changement de visage du commandement. ★