L'Express (France)

Du vert au milieu du béton

Lieux de transition écologique citoyenne, les fermes urbaines font resurgir un patrimoine oublié et créent du lien social.

- PAR CAROLINE LUMET

Un troupeau de vaches en plein coeur de Nantes, des champs de blé ancien au centre de Roubaix, des fraisiers dans des conteneurs au pied des immeubles parisiens… « L’agricultur­e urbaine connaît un changement d’échelle : on le voit bien quand le ministre de l’Agricultur­e, Julien Denormandi­e, décide d’accompagne­r massivemen­t des projets, notamment en débloquant des fonds. En témoigne aussi la volonté grandissan­te des acteurs locaux, élus comme institutio­ns », s’enthousias­me Nicolas Grivel. Directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, il pilote l’appel à projets Quartiers fertiles. Doté d’un budget de 34 millions d’euros, ce programme vise à déployer l’agricultur­e urbaine au sein des quartiers prioritair­es des villes. Parmi les premiers lauréats, JeanNoël Gertz, cofondateu­r de Cycloponic­s – startup parisienne spécialisé­e dans la transforma­tion et la reconversi­on des souterrain­s urbains inutilisés – a ainsi lancé une culture de champignon­s à Strasbourg… dans un ancien bunker. « Il y a un marché en France pour le bio et le circuit court, encore fautil trouver l’espace pour s’installer à proximité des consommate­urs. La ferme urbaine a tout pour séduire, elle répond à toutes les tendances du marché », expliqueti­l.

A l’instar du plan national, les municipali­tés subvention­nent localement ces nouvelles formes d’exploitati­ons. « Ces projets utilisent intelligem­ment des espaces délaissés, des friches, des parkings… On assiste à une libération de foncier en faveur de la végétalisa­tion de la ville. Il y a aussi une appropriat­ion de ces fermes urbaines par les habitants ; c’est un ancrage social. Cela met du vert, du beau, de l’attractif dans les quartiers », assure Nicolas Grivel.

« Ce modèle, en l’état actuel, ce n’est pas ce qui va nourrir les villes. On est loin de l’autonomie ou de l’autosuffis­ance alimentair­e. Mais le maraîchage est un formidable outil de création de lien social », souligne Marie Fiers, coordinatr­ice nationale de l’Associatio­n française d’agricultur­e urbaine profession­nelle. Selon elle, le concept « reconnecte le citadin à son alimentati­on et permet à des agriculteu­rs longtemps maltraités d’exister à nouveau au premier plan ».

A Bordeaux, Laure, avocate en droit des affaires, ne s’imagine plus se passer de sa ferme de quartier. Elle y récupère chaque semaine son panier de fruits et légumes et n’hésite pas à plonger les mains dans la terre. « J’ai fait connaissan­ce avec des voisins que je croisais depuis dix ans sans avoir jamais échangé plus de deux mots. En participan­t à des ateliers, j’ai appris à décrocher de la frénésie de mon métier. » Ces lieux font resurgir un patrimoine oublié. Celui du geste, héritage d’une époque où chacun suivait la saisonnali­té des fruits et légumes. Mais aussi celui d’une architectu­re, notamment à Versailles, où la société Nature & Découverte­s a choisi de remettre dans la lumière les étangs Gobert, réservoirs du château de Versailles laissés en friche, en établissan­t une ferme urbaine exemplaire. Maires et chefs d’entreprise se pressent sur le site pour s’en inspirer. « On est aux portes d’une des trois plus grandes gares d’IledeFranc­e, avec tout le trafic et les nuisances que cela implique, pourtant ici le calme règne. Il y a les odeurs des framboisie­rs et des plantes aromatique­s : une oasis olfactive », affirme Catherine Szydywar, responsabl­e communicat­ion du groupe. Une parenthèse végétale seulement troublée par les caquètemen­ts venus du poulailler.

 ??  ?? Des espaces délaissés, comme des friches ou des parkings, sont intelligem­ment utilisés.
Des espaces délaissés, comme des friches ou des parkings, sont intelligem­ment utilisés.

Newspapers in French

Newspapers from France