Le plastique, c’est pas fantastique
LES PLASTIQUEURS. ENQUÊTE SUR CES INDUSTRIELS QUI NOUS EMPOISONNENT
Dans son livre intitulé Les Plastiqueurs, Dorothée Moisan, qui s’est fait connaître comme journaliste d’investigation spécialisée dans les sujets écologiques, affiche d’emblée la couleur. Dès la première page, elle met en exergue une citation de Baudelaire : « N’oubliez jamais que […] la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas. » C’est sa façon d’affirmer son intention de ne pas s’en laisser conter. A la deuxième page, elle rappelle la définition du verbe « plastiquer » – à savoir, « détruire […] un local à l’aide d’un explosif plastique » – pour le rapprocher du sens qu’elle s’apprête à donner au mot « plastiqueur » : « Entreprise qui détruit ou endommage l’environnement et la santé publique à l’aide de matières plastiques », dans des conditions qui rappellent les ravages provoqués par des explosifs.
Son texte est de fait un réquisitoire précis et détaillé contre l’usage des matières plastiques. Il commence par une courte histoire de ces dérivés du pétrole présents dans nos vies depuis un siècle environ et par une analyse de l’évolution géographique de leur production, qui est désormais majoritairement asiatique. Puis il enchaîne les portraits, tant des dirigeants du secteur que des opposants plus ou moins actifs à leur utilisation, les anecdotes, les exemples concrets des problèmes que pose cette utilisation. Dorothée Moisan admet sans difficulté les services objectifs rendus dans la vie quotidienne par les objets en plastique. Mais elle insiste sur l’aveuglement volontaire et, parfois, intéressé, qui consiste à ignorer sciemment les masses colossales de sacs qui étouffent les océans ou les microparticules qui imprègnent l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. Résultat de cet aveuglement, la production mondiale de plastique, loin de reculer comme le réclame l’auteure, ne cesse de croître. Elle devrait même doubler dans les vingt ans qui viennent.
Le dernier chapitre commence par une phrase choc : « Arrivé à ce stade de l’ouvrage, Lecteur, tu dois être un peu déprimé. » On atteint effectivement ce chapitre, sinon déprimé, du moins un peu assommé par l’accumulation des critiques et des accusations portées sur les matières plastiques. Et comme les solutions présentées pour s’en passer ne sont guère convaincantes, on sort plutôt dubitatif de ce livre, bien qu’il soit écrit dans un style percutant et qu’il s’appuie sur des arguments et des réflexions qui se veulent incontestables. Avant même de lire cet ouvrage, tout le monde peut constater le spectacle tragique que donnent les tonnes de déchets plastiques répandus dans la nature. Un texte plus équilibré aurait donc probablement permis de mieux sensibiliser le lecteur à une réalité pernicieuse.