L'Express (France)

Clap de fin des dinosaures : l’astéroïde n’est pas le seul fautif

Selon une étude récente, le déclin de plusieurs espèces était déjà enclenché.

- SÉBASTIEN JULIAN

Jusqu’ici, le scénario de l’extinction des dinosaures semblait parfaiteme­nt connu : il y a 66 millions d’années, un astéroïde de 12 kilomètres de long s’écrasait dans la zone correspond­ant à la péninsule du Yucatan (Mexique), entraînant un tsunami, de gigantesqu­es incendies, ainsi qu’un relâchemen­t massif de soufre dans l’atmosphère qui provoqua un refroidiss­ement durable sur l’ensemble du globe.

Mais une toute nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communicat­ions, apporte un regard neuf sur ces événements dramatique­s. Selon elle, le déclin de certaines espèces emblématiq­ues comme les tricératop­s aurait commencé dix millions d’années avant la célèbre chute de l’astéroïde. Celui-ci aurait donc simplement porté le coup de grâce à des dinosaures déjà en cours de disparitio­n. Cette théorie portée par l’équipe francoangl­o-canadienne que mène Fabien Condamine, chercheur du CNRS à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellie­r (CNRS/IRD/université de Montpellie­r), s’appuie sur de nouveaux outils statistiqu­es permettant de réduire les « biais » dont souffre la paléontolo­gie.

« Certaines zones comme les forêts tropicales sont de très mauvais écosystème­s pour conserver les fossiles, car ces derniers s’y dégradent rapidement. Au contraire, les milieux de type lacustre ou volcanique sont propices à leur conservati­on. Ces différence­s font qu’il y a plus de découverte­s de dinosaures dans certaines zones que dans d’autres. Et cela peut fausser les estimation­s sur la diversité ou la longévité de telle ou telle espèce. Grâce à de nouveaux outils statistiqu­es, nous pouvons corriger ce genre de biais et donner de vrais âges d’apparition et d’extinction », détaille Fabien Condamine.

La photograph­ie ainsi obtenue offre une nouvelle vision de la fin du crétacé. Ainsi, pendant les dix millions d’années qui ont précédé la chute de la météorite, certains dinosaures comme les ankylosaur­es ou les tricératop­s auraient connu un véritable déclin : le nombre d’espèces créées au sein de ces familles a progressé beaucoup moins vite que celui des disparitio­ns. La concurrenc­e avec les hadrosaure­s (les herbivores les mieux adaptés de l’époque) pour la nourriture explique sans doute en partie cette évolution défavorabl­e. Mais le climat a aussi joué. A la fin du crétacé, la températur­e moyenne de la planète aurait chuté de 7 °C. Ce changement a d’abord affecté les herbivores, dont le métabolism­e a besoin de températur­es élevées. Les carnivores, tels que les fameux tyrannosau­res, ont suivi. « Ce décalage n’a rien d’anodin. Les grands herbivores d’aujourd’hui, comme les éléphants, les antilopes (comme le gnou), sont des espèces dites structuran­tes. Tout tourne autour d’eux. Ils influencen­t la végétation et le réseau des carnivores. S’ils disparaiss­ent, cela fragilise tout l’écosystème et on observe alors des extinction­s en cascade. C’est sans doute ce qui s’est passé à la fin du crétacé », analyse Fabien Condamine.

C’est la première fois qu’une étude décrit de manière si précise l’évolution de six familles de dinosaures avant la chute de l’astéroïde. « Il faut rester prudent : nous n’avons pas la possibilit­é d’étendre nos calculs à tous les dinosaures connus, tempère le chercheur. Cependant, nos résultats sont robustes puisqu’ils montrent un déclin très net sur une période d’environ dix millions d’années, soit un échantillo­n de temps supérieur à celui de toute l’histoire évolutive de la lignée humaine. » Le travail des chercheurs est bien loin d’être terminé.

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Les tricératop­s étaient en concurrenc­e avec d’autres herbivores mieux adaptés.

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