Clap de fin des dinosaures : l’astéroïde n’est pas le seul fautif
Selon une étude récente, le déclin de plusieurs espèces était déjà enclenché.
Jusqu’ici, le scénario de l’extinction des dinosaures semblait parfaitement connu : il y a 66 millions d’années, un astéroïde de 12 kilomètres de long s’écrasait dans la zone correspondant à la péninsule du Yucatan (Mexique), entraînant un tsunami, de gigantesques incendies, ainsi qu’un relâchement massif de soufre dans l’atmosphère qui provoqua un refroidissement durable sur l’ensemble du globe.
Mais une toute nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communications, apporte un regard neuf sur ces événements dramatiques. Selon elle, le déclin de certaines espèces emblématiques comme les tricératops aurait commencé dix millions d’années avant la célèbre chute de l’astéroïde. Celui-ci aurait donc simplement porté le coup de grâce à des dinosaures déjà en cours de disparition. Cette théorie portée par l’équipe francoanglo-canadienne que mène Fabien Condamine, chercheur du CNRS à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (CNRS/IRD/université de Montpellier), s’appuie sur de nouveaux outils statistiques permettant de réduire les « biais » dont souffre la paléontologie.
« Certaines zones comme les forêts tropicales sont de très mauvais écosystèmes pour conserver les fossiles, car ces derniers s’y dégradent rapidement. Au contraire, les milieux de type lacustre ou volcanique sont propices à leur conservation. Ces différences font qu’il y a plus de découvertes de dinosaures dans certaines zones que dans d’autres. Et cela peut fausser les estimations sur la diversité ou la longévité de telle ou telle espèce. Grâce à de nouveaux outils statistiques, nous pouvons corriger ce genre de biais et donner de vrais âges d’apparition et d’extinction », détaille Fabien Condamine.
La photographie ainsi obtenue offre une nouvelle vision de la fin du crétacé. Ainsi, pendant les dix millions d’années qui ont précédé la chute de la météorite, certains dinosaures comme les ankylosaures ou les tricératops auraient connu un véritable déclin : le nombre d’espèces créées au sein de ces familles a progressé beaucoup moins vite que celui des disparitions. La concurrence avec les hadrosaures (les herbivores les mieux adaptés de l’époque) pour la nourriture explique sans doute en partie cette évolution défavorable. Mais le climat a aussi joué. A la fin du crétacé, la température moyenne de la planète aurait chuté de 7 °C. Ce changement a d’abord affecté les herbivores, dont le métabolisme a besoin de températures élevées. Les carnivores, tels que les fameux tyrannosaures, ont suivi. « Ce décalage n’a rien d’anodin. Les grands herbivores d’aujourd’hui, comme les éléphants, les antilopes (comme le gnou), sont des espèces dites structurantes. Tout tourne autour d’eux. Ils influencent la végétation et le réseau des carnivores. S’ils disparaissent, cela fragilise tout l’écosystème et on observe alors des extinctions en cascade. C’est sans doute ce qui s’est passé à la fin du crétacé », analyse Fabien Condamine.
C’est la première fois qu’une étude décrit de manière si précise l’évolution de six familles de dinosaures avant la chute de l’astéroïde. « Il faut rester prudent : nous n’avons pas la possibilité d’étendre nos calculs à tous les dinosaures connus, tempère le chercheur. Cependant, nos résultats sont robustes puisqu’ils montrent un déclin très net sur une période d’environ dix millions d’années, soit un échantillon de temps supérieur à celui de toute l’histoire évolutive de la lignée humaine. » Le travail des chercheurs est bien loin d’être terminé.