L'Express (France)

L’ombre de Zemmour hante le RN

Au sein du parti à la flamme, on assure que la potentiell­e candidatur­e du polémiste ne représente pas une menace. En interne, pourtant, certains plaident pour un rapprochem­ent.

- MARYLOU MAGAL

Au Rassemblem­ent national (RN), la simple évocation d’Eric Zemmour provoque de longs soupirs désabusés. « C’est un sujet qui n’intéresse que vous, les journalist­es… », lâche-t-on avec lassitude. Le mot d’ordre, dans le parti de Marine Le Pen, est de faire de l’éventuelle candidatur­e du polémiste à l’élection présidenti­elle un non-sujet. « Je lis partout que le RN s’inquiète de ce qu’il fera, s’agace Philippe Olivier, fraîchemen­t renommé au sein du bureau exécutif. Mais nous ne le considéron­s absolument pas comme une menace. Les études ont d’ailleurs montré que ce n’est pas à nous qu’il prendrait des voix, mais aux Républicai­ns. » Une version appuyée par un sondage publié le 4 juillet dans Le Journal du dimanche, indiquant que 37 % des sympathisa­nts LR estiment qu’il ferait un bon candidat pour la droite.

La présidente du parti elle-même, qui répétait il y a quelques semaines que l’essayiste « n’irait pas », évoque désormais ce cas de figure. Au congrès de son parti, ce même dimanche, elle affirmait devant les journalist­es : « Pourquoi nos électeurs iraient voter pour quelqu’un crédité de 5 % des intentions de vote quand ils ont une candidate capable d’arriver au second tour ? Un électeur préférera quelqu’un qui gagne même s’il ne partage que 50 % de ses idées que quelqu’un qui perd avec 100 % de ses idées. » Et qualifier ce scénario de « politique-fiction » n’empêche pas les cadres du RN de décrédibil­iser la candidatur­e d’Eric Zemmour.

« Son programme, c’est la guerre civile et l’épuration ethnique. Il est dans une posture bien trop belliqueus­e, il ne tiendra pas deux minutes en campagne, glisse un cadre. J’ai envie de lui dire : “Vas-y, mon Coco, tu vas te rendre compte de ce qu’est la politique et tu en reviendras rapidement une fois que tu auras tout perdu”. » « C’est une option qu’il ne faut pas évacuer non plus », tempère le maire de Perpignan et vice-président du parti Louis Aliot. Tout laisse à penser qu’il va y aller, mais, à sa place, je ferais une colonne gains et pertes… » « Eric Zemmour ne représente que lui, quand Marine Le Pen représente un parti implanté, avec 11 millions d’électeurs, et crédité de 48 % au second tour, abonde le maire de Beaucaire Julien Sanchez. S’il veut être candidat, ça doublera notre temps de parole, c’est tout. »

Mais, derrière cette assurance de façade, pointe toutefois l’inquiétude chez certains dirigeants. « Sa candidatur­e ne serait pas une bonne chose pour nous, assure un cadre. On doit arriver à s’entendre et à se rapprocher, mais on a commencé à dire du mal de lui, ce n’est pas la bonne stratégie. » Alors commencent à poindre sur les plateaux les éléments de langage du rassemblem­ent. Lundi 5 juillet, sur Europe 1, l’eurodéputé Nicolas Bay assurait que le RN « tendait la main » à Eric Zemmour dans cette optique.

Plutôt faire bloc que de se faire doubler, insistent certains dans les rangs du parti, qui voient dans l’engouement autour du polémiste un autre phénomène inquiétant. « Cette agitation le concernant ne fait que révéler le doute de nos électeurs autour de Marine Le Pen : on recherche un produit de substituti­on. » Car, face à un électorat frontiste démobilisé, comme l’ont montré les régionales, des cadres s’inquiètent de la capacité d’Eric Zemmour à fédérer, au détriment de la candidate RN. « Autant prendre les devants et marcher dans le sens d’une alliance », insiste un dirigeant, coupé directemen­t par un élu qui conclut : « Après les régionales, se faire passer devant par Zemmour, ça serait dur à encaisser. »

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