L'Express (France)

Souveraine­té alimentair­e : l’état d’alerte

La ferme France est de moins en moins compétitiv­e, et les excédents commerciau­x agricoles fondent. Et si on reparlait de planificat­ion ?

- PAR MARIE NICOT

François Bayrou a chaussé ses bottes en caoutchouc. En fin de semaine dernière, le haut-commissair­e au Plan a publié une note sur la reconquête de la souveraine­té alimentair­e. « Le monde a besoin de nourriture en quantité et qualité. Or la France, qui fut un grand pays exportateu­r, perd du terrain depuis le début des années 2000. C’est inacceptab­le », s’est insurgé le maire de Pau, qui s’affirme « passionné d’agricultur­e ».

Parmi ses sources d’inspiratio­n, on trouve un rapport de la Coopératio­n agricole (fédération de coopérativ­es du secteur) remis récemment à l’Elysée et que L’Express a pu se procurer. Cette étude prospectiv­e de 50 pages pointe une réalité alarmante : depuis vingt ans, l’excédent de la balance commercial­e agroalimen­taire française ne cesse de fondre, la croissance des importatio­ns (123 %) ayant été nettement plus rapide que celle des exportatio­ns (75 %). Entre 2011 et 2017, le surplus a même été divisé par 2. S’il est inévitable d’importer café, cacao, avocats ou ananas, le déficit sur des secteurs comme les tomates fraîches et transformé­es, les poulets, porcs et bovins désossés, les chips, bières et pâtes… est difficile à avaler. Seuls le vin et les spiritueux nous sauvent. Et le Béarnais de reprendre à son compte une prévision du sénateur (LR) de la Haute-Loire Laurent Duplomb : « A ce rythme de décroissan­ce, notre pays pourrait constater son premier déficit agricole en 2023. » Historique. Et, surtout, très inquiétant.

Qu’une telle projection soit validée par 2 300 entreprise­s coopérativ­es (InVivo, Terrena, Sodiaal…) donne la chair de poule. Elles assurent 40 % de l’activité, avec des marques aussi connues que Candia, Madrange, Beghin Say… Incontourn­ables et puissantes, elles bénéficien­t d’une influence sensible, aux niveaux national comme européen. Du reste, la sortie de ce rapport ne doit rien au hasard : à partir de janvier 2022, la France présidera le Conseil de l’Union européenne ; au programme, la négociatio­n de la nouvelle politique agricole commune. Les « coopés » comptent bien peser dans le débat.

« C’est vrai que nous avons laissé filer les production­s de poulets, de certains fruits et légumes. Nous sommes aussi trop dépendants de l’importatio­n de produits de la mer, regrette Sébastien Abis, directeur du club d’entreprise­s Demeter et chercheur associé à l’Iris (Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es). Mais pas de panique : nous n’avons manqué de rien pendant la pandémie. »

Pas de panique… Oui, la France reste forte sur ses bases, notamment l’exportatio­n de céréales. Mais il faudra de la constance pour regagner en compétitiv­ité dans d’autres secteurs. Le déclin du food power tricolore n’est pas nouveau. Il remonterai­t à une vingtaine d’années. De 2000 à 2018, la part de marché, tous produits confondus, de l’Allemagne dans

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