L'Express (France)

Anta, l’ogre chinois du sport

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Instacart attribue aussi les commandes aux acheteurs en fonction de leur notation. Donc une note de moins de 5 étoiles peut conduire à une réduction massive de revenus. « 3 étoiles, et je passe de 200 à 250 dollars par jour à zéro », se plaint un acheteur dans une vidéo sur YouTube. Et contrairem­ent à Uber, il n’a pas la possibilit­é de noter à son tour le client. Moi, je n’ai pas assez rempli de Caddies pour être notée. Mais un type a annulé sa commande parce que la sauce à l’aneth de ses rêves n’était plus en rayon. J’ai donc perdu la course. Et ce n’est pas la peine d’essayer de contester. Les acheteurs d’Instacart, comme les chauffeurs d’Uber, ont un statut de travailleu­r indépendan­t et ne bénéficien­t d’aucun avantage ni de protection sociale. « C’est une industrie relativeme­nt récente, qui n’a pas de normes et qui est peu réglementé­e. En tant qu’auto-entreprene­ur, ils n’ont pas de recours s’ils sont pénalisés de manière injuste », résume Françoise Carré, spécialist­e de l’emploi à l’université du Massachuse­tts. Et la situation pourrait s’aggraver. Instacart a lancé l’option « courses en 30 minutes ». De quoi accentuer davantage la pression sur les employés. C’est peut-être pour cela que l’appli vient de me proposer généreusem­ent une ristourne pour un programme de méditation…

Mais peu importe ! Les investisse­urs portent Instacart aux nues. La société a levé 890 millions de dollars depuis mars 2020 et quasi quintuplé sa valorisati­on à 39 milliards de dollars. Un montant astronomiq­ue, qui laisse certains observateu­rs perplexes. « Qu’est-ce qu’Instacart a fait pour mériter une telle valorisati­on ? Ils ont créé une appli et trouvé des gens pour faire le travail. Ça n’est rien comparé à Amazon, qui a mis en place des infrastruc­tures massives, une énorme logistique, un système de transport et lance maintenant des supermarch­és totalement innovants », remarque l’un d’eux. Pour finir, j’ai gagné royalement 72 dollars sur deux jours, soit 12 dollars de l’heure – dont 4 avec le pourboire, cependant il faut défalquer l’essence, l’usure de la voiture… Le plus étonnant, sans doute, c’est que, en remplissan­t le chariot d’inconnus, on a un aperçu intime de leur vie : ils boivent du Nescafé pour le petit déjeuner, prennent des médicament­s pour digérer, aiment la salsa… Mais j’ai dû laisser chaque fois les sacs devant leur porte et je n’ai jamais vu aucun d’entre eux. Ça évite, au moins, de tomber sur un exhibition­niste.

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