Les chantiers d’Andy
Il fallait bien une allocation d’actions de 215 millions de dollars pour motiver Andy Jassy à prendre la succession de Jeff Bezos à la tête d’Amazon (son pécule était déjà de 300 millions). Les chiffres sont toujours phénoménaux chez le n° 1 mondial de l’e-commerce : un chiffre d’affaires annuel de 400 milliards de dollars pour 25 milliards de bénéfices, 1,3 million de salariés, une valorisation boursière de 1 700 milliards, soit 4 fois LVMH, 13 fois TotalEnergies, 16 fois Airbus.
Si Jeff Bezos laisse une entreprise financièrement saine et surpuissante, les chantiers ne manquent pas pour Andy Jassy. Avant de quitter son poste, l’ex-PDG (il reste président du conseil d’administration) a d’ailleurs produit une encyclique qui ressemble un peu à une feuille de route pour son successeur. « Nous avons quitté le garage de nos débuts, écrit Bezos. Nous sommes puissants, nous avons de l’impact, et nous sommes loin d’être parfaits. Nous devons faire preuve d’humilité et être sensés quant aux effets de nos actions. » Des mots qui sonnent un peu comme les préceptes de l’abbé Pierre énoncés par Terminator.
Car Amazon s’est construit avec une brutalité sans bornes, une pression omniprésente exercée sur les cadres comme sur les employés des entrepôts.
Andy Jassy va devoir corriger cela. Et rendre son entreprise plus humaine, plus responsable, moins prédatrice dans ses pratiques commerciales, plus consciente de ses effets sur l’environnement et les tissus économiques locaux. Cela ne sera pas sans effets sur le compte d’exploitation. D’abord, c’en est fini du zéro impôt. Sur les trois derniers exercices, Amazon a payé seulement 4,3 % d’impôts sur 45 milliards de dollars de profits. La nouvelle législation fiscale mondialisée prévoyant un taux minimal de 15 % va corriger cette absurdité. Mais la plus grosse menace qui pèse sur Amazon est la perspective d’une régulation offensive. Aujourd’hui, l’entreprise est à la fois un commerçant, une place de marché qui vend les produits des autres, un géant de la pub en ligne, un logisticien, un fabricant d’objets, un service de vidéo à la demande, un studio de production, le plus grand fournisseur de cloud au monde. L’élagage est inévitable.