Glyphosate et cancer, l’étau se resserre
L’Inserm fait le bilan exhaustif des études sur les effets de l’exposition à cet herbicide très controversé. Les doutes se confirment.
Des actions potentiellement délétères sur le microbiote intestinal
Dix chercheurs multidisciplinaires mobilisés, trois années de travail, 5 300 études passées au peigne fin. L’Institut national de la santé et de la recherche (Inserm) vient de rendre public un rapport très attendu sur les effets des pesticides – utilisés pour lutter contre les espèces végétales indésirables (herbicides) et contre les organismes jugés nuisibles (insecticides et fongicides) – sur la santé humaine. Conclusion ? Il existe un « lien fort » entre l’exposition aux pesticides des professionnels, agriculteurs notamment, et la survenue de trois cancers – le lymphome non hodgkinien, le myélome multiple et le cancer de la prostate –, ainsi que celle de la maladie de Parkinson, des troubles cognitifs et des maladies respiratoires.
Si les pesticides soupçonnés de « liens forts » avec des pathologies sont interdits en France aujourd’hui, les chercheurs rappellent que d’autres substances potentiellement à risque demeurent autorisées. C’est le cas du glyphosate, un herbicide qui suscite de vifs débats parmi les scientifiques, au sein des instances sanitaires et même dans les médias depuis 2015, année où une agence de l’OMS l’a classé comme « cancérogène probable ». L’Inserm a depuis analysé de nombreuses études, prenant en compte la qualité des travaux, le nombre de personnes incluses, la méthodologie. « Nous avons effectué un gros travail de sélection pour déterminer lesquelles méritaient qu’on se penche dessus, notamment en analysant la méthodologie, afin d’être certains que ce qu’on lisait était correct et pertinent, explique Bernard Salles, professeur émérite de toxicologie et coauteur du rapport. Nous avons aussi éliminé les études qui utilisaient de très fortes doses de glyphosate, car nous recherchions des effets chroniques [NDLR : sur les populations] et non pas aigus. »
Résultats ? Pour les lymphomes non hodgkiniens – un cancer du système lymphatique caractérisé par une prolifération anormale de lymphocytes –, les spécialistes de l’Inserm indiquent que la présomption de lien entre l’exposition professionnelle des agriculteurs et la survenue de cette pathologie est désormais classée en catégorie « moyenne ». Elle a été renforcée parce que les experts ne s’appuient plus uniquement sur des études menées sur la cohorte américaine de l’Agricultural Health Study (qui suit plus de 50 000 personnes), mais également sur des échantillons de populations norvégienne et française qui ont commencé à livrer des résultats. « Mais nous avons jugé que le risque ne peut être considéré comme “fort” parce qu’il n’existe pas encore de vision très claire sur la relation “dose-réponse”, justifie de son côté Luc Multigner, épidémiologiste à l’Inserm et à l’université de Rennes I, coauteur du rapport. Il faut comprendre que les outils de mesure sont très hétérogènes et qu’ils ne prennent pas en compte les mêmes fréquences d’exposition ni les mêmes durées et intensités d’utilisation. »
Concernant l’usage du glyphosate et l’apparition de myélomes multiples – un cancer qui se développe dans la moelle osseuse –, les chercheurs ont estimé qu’il n’existait qu’un lien « faible ». L’analyse de l’Inserm pointe néanmoins un potentiel