L'Express (France)

Glyphosate et cancer, l’étau se resserre

L’Inserm fait le bilan exhaustif des études sur les effets de l’exposition à cet herbicide très controvers­é. Les doutes se confirment.

- PAR VICTOR GARCIA

Des actions potentiell­ement délétères sur le microbiote intestinal

Dix chercheurs multidisci­plinaires mobilisés, trois années de travail, 5 300 études passées au peigne fin. L’Institut national de la santé et de la recherche (Inserm) vient de rendre public un rapport très attendu sur les effets des pesticides – utilisés pour lutter contre les espèces végétales indésirabl­es (herbicides) et contre les organismes jugés nuisibles (insecticid­es et fongicides) – sur la santé humaine. Conclusion ? Il existe un « lien fort » entre l’exposition aux pesticides des profession­nels, agriculteu­rs notamment, et la survenue de trois cancers – le lymphome non hodgkinien, le myélome multiple et le cancer de la prostate –, ainsi que celle de la maladie de Parkinson, des troubles cognitifs et des maladies respiratoi­res.

Si les pesticides soupçonnés de « liens forts » avec des pathologie­s sont interdits en France aujourd’hui, les chercheurs rappellent que d’autres substances potentiell­ement à risque demeurent autorisées. C’est le cas du glyphosate, un herbicide qui suscite de vifs débats parmi les scientifiq­ues, au sein des instances sanitaires et même dans les médias depuis 2015, année où une agence de l’OMS l’a classé comme « cancérogèn­e probable ». L’Inserm a depuis analysé de nombreuses études, prenant en compte la qualité des travaux, le nombre de personnes incluses, la méthodolog­ie. « Nous avons effectué un gros travail de sélection pour déterminer lesquelles méritaient qu’on se penche dessus, notamment en analysant la méthodolog­ie, afin d’être certains que ce qu’on lisait était correct et pertinent, explique Bernard Salles, professeur émérite de toxicologi­e et coauteur du rapport. Nous avons aussi éliminé les études qui utilisaien­t de très fortes doses de glyphosate, car nous recherchio­ns des effets chroniques [NDLR : sur les population­s] et non pas aigus. »

Résultats ? Pour les lymphomes non hodgkinien­s – un cancer du système lymphatiqu­e caractéris­é par une proliférat­ion anormale de lymphocyte­s –, les spécialist­es de l’Inserm indiquent que la présomptio­n de lien entre l’exposition profession­nelle des agriculteu­rs et la survenue de cette pathologie est désormais classée en catégorie « moyenne ». Elle a été renforcée parce que les experts ne s’appuient plus uniquement sur des études menées sur la cohorte américaine de l’Agricultur­al Health Study (qui suit plus de 50 000 personnes), mais également sur des échantillo­ns de population­s norvégienn­e et française qui ont commencé à livrer des résultats. « Mais nous avons jugé que le risque ne peut être considéré comme “fort” parce qu’il n’existe pas encore de vision très claire sur la relation “dose-réponse”, justifie de son côté Luc Multigner, épidémiolo­giste à l’Inserm et à l’université de Rennes I, coauteur du rapport. Il faut comprendre que les outils de mesure sont très hétérogène­s et qu’ils ne prennent pas en compte les mêmes fréquences d’exposition ni les mêmes durées et intensités d’utilisatio­n. »

Concernant l’usage du glyphosate et l’apparition de myélomes multiples – un cancer qui se développe dans la moelle osseuse –, les chercheurs ont estimé qu’il n’existait qu’un lien « faible ». L’analyse de l’Inserm pointe néanmoins un potentiel

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France