L'Express (France)

Les mangroves, un puits à carbone menacé

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effet génotoxiqu­e de l’herbicide. « La génotoxici­té d’un agent chimique ou physique indique sa capacité à provoquer des lésions dans l’ADN, par exemple des cassures. En général, ces dernières peuvent être réparées par l’organisme, mais, s’il y en a trop, cela peut provoquer des mutations », détaille Bernard Salles. Des études principale­ment réalisées in vitro – sur des bactéries ou des cellules en laboratoir­e – ont, selon lui, démontré la génotoxici­té du glyphosate. « En revanche, nous n’avons pas trouvé de preuve de mutagenèse, soit la capacité de créer des mutations », précise-t-il. Quant à un potentiel effet perturbate­ur endocrinie­n, balayé par les industriel­s ou l’Autorité européenne de sécurité des aliments, le rapport de l’Inserm indique que le risque ne doit pas être écarté.

Enfin, ce rapport alerte sur des effets potentiell­ement délétères de l’herbicide sur certaines hormones et sur le microbiote intestinal. « Beaucoup oublient que l’être humain est en symbiose avec ses microorgan­ismes et que le microbiote intestinal est très important », souligne Bernard Salles. Ainsi, le modifier peut avoir des impacts négatifs sur diverses pathologie­s. Or la principale cible du glyphosate est un enzyme présent chez les végétaux, mais aussi chez certaines bactéries des microbiote­s. « De récents travaux effectués sur des rats montrent que leur microbiote se trouve modifié lorsqu’on leur fait boire de l’eau avec de très faibles doses de glyphosate, 100 fois inférieure à la dose minimale. Maintenant, il convient de savoir si cela a un effet négatif ou non, et nous ne pouvons pas encore le dire », ajoute le professeur émérite.

Si les conclusion­s de l’Inserm se révèlent globalemen­t prudentes sur le caractère cancérogèn­e du glyphosate, elles vont plus loin que les avis émis jusqu’à présent par les agences sanitaires française et européenne. « Notre rapport indique clairement que le lien entre glyphosate et certaines pathologie­s est plus fort que ce que l’on pensait jusqu’ici », résume Bernard Salles. Sur la génotoxici­té, la position de l’Inserm se rapproche de celle du Centre internatio­nal de recherche sur le cancer, qui parle ouvertemen­t de « danger cancérogèn­e ». Mais l’expert français insiste sur le fait que d’autres études doivent être menées afin d’obtenir des preuves indiscutab­les.

En attendant, Bernard Salles pointe la faiblesse des normes imposées aux industriel­s avant de pouvoir vendre un produit. « Ils n’ont, par exemple, aucune obligation d’effectuer des tests sur de potentiels effets sur la mitochondr­ie ou le microbiote, et les études demandées sur les neuropatho­logies ne sont pas très précises. » Au législateu­r, donc, de durcir les règles, en attendant une interdicti­on définitive de l’un des herbicides les plus contestés. ✷

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Certains profession­nels, tels que les agriculteu­rs, sont particuliè­rement exposés aux pesticides.

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