Michel Serres, James Lee Burke, Frédéric Pie
LA FONTAINE
WWW✷✷
Jean de La Fontaine vient d’avoir 400 ans. En guise de cadeau d’anniversaire, les éditions du Pommier publient des textes inédits de Michel Serres qui, toute sa vie, a été obsédé par les Fables. Pour le philosophe disparu en 2019, les fabulistes sont « nos premiers instituteurs », et il faut prendre au sérieux leur enseignement. Loin d’enfermer La Fontaine dans le Grand Siècle ou une célébration chauvine du génie français, Michel Serres en fait l’héritier flamboyant d’une tradition universelle passant par Esope bien sûr, mais aussi par Epicure, Lucrèce ou Ovide. « Les Fables ne parlent parfaitement le français que par le multilinguisme », rappelle-t-il. A ses yeux, les bêtes qui s’agitent dans ces mythologies ancestrales sont la preuve d’un reste de totémisme dans nos sociétés occidentales. Mais, en illustrant leur parenté avec les hommes, elles annoncent également la théorie de l’évolution, tandis que le siècle de La Fontaine avait développé la thèse de « l’animal-machine ».
Le penseur était tout aussi fasciné par les rapports de force, de domination et de parasitage, entre La Cigale et la Fourmi ou Le Renard et le Bouc. Ces brefs récits condensent, selon lui, les complexités du « vivre ensemble ». En morceau de bravoure, une analyse virtuose de La Laitière et le pot au lait. Pour Michel Serres, les mésaventures de Perrette mettent en scène l’opposition entre une tradition du troc et le monde capitaliste, celui de l’argent abstrait et liquide. Loin d’être stupide, la laitière, qui rêve de transformer son pot en volailles, porcs et bovins, serait ainsi une pionnière des start-up et du capital-risque. Perrette et Jeff Bezos, même combat.