Apprendre en pleine nature
Faire classe à ciel ouvert? C’est l’idée des Forest schools qui, avec leur pédagogie en extérieur, connaissent un succès croissant en France.
Une dizaine de têtes blondes s’égaillent sous les frondaisons. Le moindre insecte, le plus petit bourgeon deviennent prétexte à un cours (pas si) improvisé. A La Fourmilière, en Ardèche, plusieurs fois par mois, parents et enfants s’essaient à un nouveau type d’apprentissage. Dès la rentrée, la pratique sera institutionnalisée via le lancement d’une école pensée dans la plus pure tradition des Forest schools (« écoles de la forêt »). Le principe ? « Intégrer l’environnement proche de l’établissement scolaire pour motiver et ancrer l’enseignement, se frotter au réel pour apprendre et comprendre de manière tangible », détaille Julie Ricard, présidente du réseau Pédagogie par la nature.
Remplacer le tableau noir par l’orée d’un bois est courant depuis un demi-siècle en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Danemark. « C’est dans ce pays que le concept est né, dans un contexte d’aprèsguerre : les infrastructures n’étaient pas suffisantes pour accueillir tous les enfants du baby-boom. Les moins de 7 ans ont donc été mis dehors, au sens propre », explique Claire Boulch-Pedler, auteure du documentaire L’Ecole de la forêt finlandaise. Une éducation riche de sens. Depuis, de nombreux professionnels de la petite enfance ont constaté les bienfaits du système : une plus grande capacité d’adaptation, un développement de l’aptitude à vivre ensemble, une meilleure réussite scolaire. « Chaque jour, il y a un temps d’apprentissage commun : quarante minutes environ. Pour le reste, l’élève se sent très libre : il peut parler fort, courir… Alors qu’en classe, l’espace vital est réduit, ce qui impose une promiscuité causant de nombreuses disputes », avance la chercheuse.
Le modèle se développe en France depuis quatre ans environ, notamment au travers d’écoles alternatives : Into the Woods, Champs libre, La Clef des champs… Ylvie de Kam, Néerlandaise installée à Bazougers, en Mayenne, lance à son tour une structure dans une ferme : Les Pieds dans l’herbe : « Pas besoin de paysages spectaculaires, il s’agit de vivre avec ce qu’il y a autour de nous : prairie, haies…, explique-t-elle. Les enfants vont être dans l’observation et la participation quotidienne, s’occuper des plantes du potager pour qu’elles poussent. Cueillir des framboises, les dénombrer, les partager : c’est un apprentissage mathématique concret et en douceur. » Dans son équipe pédagogique, Margot Hefez, la fille du célèbre pédopsychiatre Serge Hefez, ajoute : « Par tous les temps, les enfants grattent la terre, se roulent dans les feuilles, observent les petites bêtes, construisent des cabanes, patouillent dans la boue… Pourquoi ne pas mobiliser tout ça ? Même l’Education nationale semble commencer à se pencher sur ce paradigme. » En pleine conférence de presse, le 22 avril dernier, le ministre de l’Education, JeanMichel Blanquer, invitait ainsi les professeurs à faire cours à l’extérieur. Si sa motivation était de limiter les contaminations au Covid, le site Canopé (la ressource officielle des enseignants) en a profité pour rappeler que la pratique de « la classe du dehors » améliore aussi la concentration et la réussite.
Certaines municipalités misent également sur le concept, comme Strasbourg (voir encadré) ou Bagneux, en banlieue parisienne, qui a inauguré, le 3 juillet, l’école-parc Niki de Saint Phalle. « Il ne s’agit pas juste de s’asseoir dans la cour pour faire cours, il y a plein de choses à imaginer : un partenariat avec le poulailler collectif du quartier, des apprentissages dans le parc ou à l’agrocité sur les hauteurs de la ville. C’est excitant : tout est à construire », s’enthousiasme Paul Drule, parent d’élève. Et si la génération « écran » se reconnectait à son environnement immédiat ?