L'Express (France)

La reprise est là… depuis douze mois

- Philippe Brassac Philippe Brassac est directeur général de Crédit agricole SA.

En ce début d’été, l’horizon paraît dégagé. L’économie va bien, mieux que prévu. La levée progressiv­e des restrictio­ns a créé un vent d’optimisme, qui se traduit par une reprise forte de l’activité. Le climat des affaires progresse et atteint son plus haut niveau depuis quatorze ans, y compris dans les secteurs particuliè­rement touchés, comme l’hôtellerie­restaurati­on. Dans l’industrie, les carnets de commandes continuent à se remplir, malgré des tensions sur l’approvisio­nnement de certains biens.

Sur le front de l’emploi, les embauches dans les secteurs ayant détruit des postes durant la crise connaissen­t un redémarrag­e dynamique.

La puissance du rebond semble surprendre, elle paraît prendre de court nombre de commentate­urs de la vie économique. Nous aurions sous-estimé la force de la reprise, en l’absence de référentie­l passé.

Pourtant, cette base de comparaiso­n, nous en disposions bien depuis près de douze mois. Rappelons-nous que, à l’été 2020, dès la fin du confinemen­t, l’activité avait mécaniquem­ent redécollé, avec un PIB au troisième trimestre en hausse de plus de 18 %. La reprise fut bien en « V » à chaque levée des contrainte­s, malgré les pronostics contraires. C’est bien à partir de fin juin 2020 que nous avons rattrapé les indicateur­s d’activité de 2019 pour tous les secteurs autorisés à opérer. Les demandes de crédit à la consommati­on et à l’habitat sont revenues à la normale dès l’été 2020, et l’excès d’épargne des ménages a commencé à refluer dès le début 2021. Les dispositif­s publics de soutien ont réellement sauvegardé le tissu productif et limité les destructio­ns d’emploi, y compris l’emploi privé salarié. Et malgré le mur de faillites inlassable­ment annoncé, les défaillanc­es d’entreprise­s ont fortement reculé en 2020 et demeurent faibles début 2021 : en soutenant massivemen­t l’économie, l’Etat n’a pas reporté les faillites à plus tard, il les a tout simplement évitées.

Mais un excès n’est-il pas en train de chasser l’autre ? Au spectre d’une inévitable faillite du système, alors même que la crise était objectivem­ent maîtrisée, semble désormais succéder un sentiment d’euphorie sur le retour à la normalité. Or, si la reprise est bien là, et depuis pas mal de temps, le retour à la normalité reste à atteindre : l’économie fonctionne­ra à nouveau « normalemen­t » lorsqu’elle tournera sur ses seuls revenus et non plus en partie sur ses aides. Cela implique d’accompagne­r de manière très opérationn­elle toutes celles et tous ceux qui doivent assurer la jointure entre le retrait des aides et le retour progressif de leurs revenus.

Cela implique aussi de réarmer nos territoire­s, donc de réinvestir, pour faire face au grand retour de la compétitio­n internatio­nale, boostée par de multiples plans de relance en Asie comme aux Etats-Unis. Cela implique enfin d’investir massivemen­t dans les transition­s nouvelles, pour le climat, l’environnem­ent et la cohésion sociale, porteuses de croissance future pour tous. Nous avons en grande partie traité le passé. Il faut maintenant préparer l’avenir. Avec confiance et déterminat­ion.

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