L'Express (France)

Au bonheur des voyageurs… et des Parisiens

Fini, les pièges à touristes ! Les acteurs de l’hôtellerie et de la restaurati­on enrichisse­nt leur offre pour séduire la clientèle étrangère et locale.

- PAR STÉPHANIE GENDRON

Rendez-vous à 14 heures à la sortie du métro Corvisart. » Direction la Butte-aux-Cailles pour commencer une balade street art de deux heures. « Cette visite permet d’en apprendre un maximum sur cet univers artistique dans un Paris “village” que l’on prend rarement le temps de parcourir », explique Camille Hédouin. Depuis un peu plus de trois ans, la fondatrice de « Voulez-vous Paris avec moi ? » propose des excursions autour de l’art urbain dans différents quartiers de la capitale. Sa spécificit­é : des promenades ludiques, interactiv­es et insolites en petits groupes, conçues pour les familles. Banksy, Smile, Miss Tic, Seth, Wabi Sabi, Toctoc… D’artiste en artiste, le public découvre ce mouvement, son histoire et ses différente­s formes. Au passage, cette amoureuse de la capitale glisse quelques anecdotes sur l’architectu­re environnan­te, mais divulgue aussi ses adresses gourmandes. Le principe de ce type de parcours : dévoiler un Paris hors des sentiers battus.

Après des mois d’enfermemen­t, la tendance gagne du terrain. L’office du tourisme et des congrès et la Ville de Paris organisent ainsi le festival « Cet été, laissez-vous guider ! ». Du 15 juillet au 15 août, habitants et touristes pourront découvrir les quartiers d’un autre oeil au travers de promenades sur les thèmes du cinéma, du romantisme, de l’architectu­re et même du sport. Dans cet objectif de séduire une clientèle parisienne avide d’évasion, le groupe Accor multiplie également les initiative­s, comme l’organisati­on d’un concert à l’hôtel Pullman Tour Eiffel le soir du 14 juillet. Au programme : spectacle, dîner gastronomi­que concocté par le chef Pierre Sang, une nuit à l’hôtel et un petit-déjeuner continenta­l. Près du canal Saint-Martin, dans le Xe arrondisse­ment, l’hôtel Le Grand Quartier présente lui aussi, dans son jardin, des spectacles à découvrir depuis sa chambre. Le George V propose quant à lui à ses clients sportifs d’effectuer un « jogging culturel » matinal, soit un parcours de 9 kilomètres environ permettant de découvrir les beaux points de vue au lever du soleil. Côté gastronomi­e, l’établissem­ent a également revisité la carte de son restaurant, La Galerie. Imaginée par le chef Alan Taudon, celle-ci

met à l’honneur des plats traditionn­els français, avec des produits sourcés localement, qui attirent tout autant les voyageurs que les locaux en quête de saveurs familières. C’est aussi le parti pris d’Amandine Chaignot. Dans un autre style, la cheffe vient d’ouvrir à Montmartre le Café de Luce, un bistrot axé sur une cuisine 100 % française. Au menu : cuisses de grenouille­s, tartare de boeuf de Salers, tarte aux pommes de sa grand-mère…

« Nous sortons d’un long tunnel, témoigne Antoine Dubois, directeur marketing et expérience client Europe du Sud au sein du groupe Accor. Durant cette période, la clientèle parisienne s’est intéressée à tous les lieux ouverts qui proposaien­t des expérience­s à moins de 10 kilomètres. Le principe du staycation [NDLR : dormir à l’hôtel près de chez soi] a réveillé l’idée qu’il y a des établissem­ents où l’on peut dîner et passer une nuit. Cela a sensibilis­é les Parisiens à une nouvelle offre. Alors, avec la réouvertur­e des terrasses, des bars et des restaurant­s, pour célébrer la liberté retrouvée, nous poussons maintenant les voisins à venir déjeuner et dîner chez nous. » Et ce, grâce à de nouvelles ambiances, adaptées à la localisati­on des établissem­ents : Pedzouille, sur le toit du Novotel de la porte de Versailles, avec sa carte franchouil­larde et sa vue imprenable sur la tour Eiffel, Jo & Joe à Nation et Gentilly, pour une ambiance jeune, cosmopolit­e et décontract­ée…

Réunir les voyageurs et les Parisiens est le concept même d’Evok Hôtels (Brach, Sinner, Nolinski, Cour des Vosges…). « Cela fait partie de notre ADN. Nous avons toujours eu l’ambition de faire de chaque établissem­ent un lieu imprégné de son quartier, de son environnem­ent avec sa clientèle locale, commente Emmanuel Sauvage, cofondateu­r du groupe. Cette mixité est impérative : économique­ment, c’est plus viable – les derniers mois nous l’ont prouvé – et surtout, cela amène une vie énorme. » Et c’est sans compter l’influence sur des réseaux sociaux, tel Instagram, qui « apportent une image de joie et de rencontres », poursuit-il. Brach a ainsi redynamisé le XVIe arrondisse­ment, avec une salle de sport comptant 2 000 membres, un restaurant animé, un potager, un rooftop végétalisé et une programmat­ion très riche : prix littéraire, pop-up store, DJ set… « Les voyageurs, eux, découvrent une ambiance, ajoute le propriétai­re. Ils n’ont pas envie de se retrouver dans un lieu qui ne vit pas. Car, aujourd’hui, on veut savoir si l’on se réveille à Paris, New York ou Hongkong. Nous sommes des artisans : nous vendons de l’émotion, du souvenir. » Antoine Dubois approuve : « Les touristes ne veulent pas se sentir à part dans une ville. Ils veulent sentir le quartier, le vivre, et découvrir une atmosphère, une humanité. »

Dans cette idée de redynamise­r les quartiers, Nathanaël et Elisha Karmitz, respective­ment président du directoire et directeur général du groupe MK2, ont ouvert en octobre 2020 l’hôtel Paradiso, le premier « cinéma-hôtel » européen. Au-delà des 36 chambres transformé­es en salles de cinéma privées, l’établissem­ent, situé au-dessus du cinéma MK2 Nation, propose aux fans du 7e art des projection­s en plein air sur son toit-terrasse – offrant une vue à 360 degrés sur Paris. « La vie et les usages changent. On doit s’adapter au tissu local », insiste Elisha Karmitz. Résultat : une ambiance conviviale et un joyeux mélange entre

Parisiens et touristes passionnés

Du côté du quartier de l’Opéra, le Shack joue lui aussi la carte de la mixité. « On aime bien se qualifier d’oasis urbaine à l’intérieur de la ville », explique Emilie Vazquez, fondatrice du tiers-lieu ouvert en septembre dernier. Installé sur 1 500 mètres carrés – sur le site des anciennes imprimerie­s de CalmannLév­y et leur sublime verrière –, l’endroit propose espaces de coworking, de restaurati­on et de

— Au bonheur des voyageurs

et des Parisiens

— Taxis volants, navettes flottantes...

Les nouvelles mobilités durables

— Le renouveau des monuments

historique­s

— Jean-François Rial :

« Itinéraire rêvé d’un touriste »

bien-être, au sein d’une architectu­re signée Gustave Eiffel. Animé par des concerts, des exposition­s, des pop-up stores et autres événements fédérateur­s, l’ensemble attire tout autant les cadres du quartier que les voyageurs. « A la suite d’articles parus dans la presse féminine, de nombreux Japonais sont même venus nous rendre visite », s’enthousias­me-t-elle. Avant d’ajouter, en toute modestie : « Nous sommes devenus un point d’ancrage dans le quartier qui participe à la dynamique de la ville. » Et c’est bien là l’enjeu. Réunir le meilleur des deux mondes pour faire vivre la capitale. Et redorer l’image de Paris.

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Pedzouille, et sa vue imprenable sur la tour Eiffel, dans le XVe arrondisse­ment.
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