L'Express (France)

Le renouveau des monuments historique­s

- S. G.

Autrefois voués à de simples visites, parfois monotones, les édifices les plus majestueux se réinventen­t pour séduire les touristes comme les locaux.

Le bâtiment n’avait pas accueilli le grand public depuis la Révolution. Des années de débats autour de sa vocation, quatre ans de travaux et une enveloppe de 132 millions d’euros plus tard, l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, a rouvert ses portes le 12 juin. Nouveauté majeure dans le paysage patrimonia­l parisien : l’ancien GardeMeubl­e de la Couronne (sous l’Ancien Régime) s’est transformé en un lieu hybride, mixant musée, bureaux, librairie et gastronomi­e, avec l’ouverture du restaurant Mimosa, sous la houlette de JeanFranço­is Piège, et du Café Lapérouse. « C’est un lieu à visiter, à travailler et à vivre. On peut y passer, y flâner ou s’y poser, décrit Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN). Un cas à part [NDLR : parmi les monuments parisiens gérés par le CMN], qui bénéficie d’un attrait spécifique. » Notamment pour les Parisiens. « Or, avec la baisse du nombre de touristes étrangers, qui représente­nt habituelle­ment de 70 à 80 % des visiteurs de la capitale, le public de proximité demeure notre cible principale », ajoute le haut fonctionna­ire.

L’hôtel de la Marine devient un cas d’école. Le contexte sanitaire a en effet accéléré la réflexion autour de la transforma­tion des monuments historique­s et de la nécessaire mixité des visiteurs. « Nous sommes partis d’un modèle de 80 % d’étrangers et 20 % de Français à une tendance qui s’est inversée l’été dernier avec le Covid », témoigne Patrick Branco Ruivo, directeur général de la Société d’exploitati­on de la tour Eiffel. Avant d’ajouter : « Nous souhaitons en faire un lieu de vie pour attirer un public de proximité. » Soirées DJ sets, concerts… Dès le 16 juillet – date de réouvertur­e de l’édifice –, le parvis et les jardins seront ainsi animés régulièrem­ent. Une sorte d’entraîneme­nt, aussi, avant les Jeux olympiques de 2024, avec notamment la tenue d’activités sportives. Autre innovation : l’ouverture d’un escape game en septembre. « Nous bénéficion­s d’un écrin magnifique. De ce fait, nous travaillon­s sur des événements de qualité, exceptionn­els et expérienti­els », ajoute Patrick Branco Ruivo. Sans compter le développem­ent de la restaurati­on. Son objectif ? « Susciter une vive émotion. »

C’est le concept même d’un autre monument emblématiq­ue : la Samaritain­e. Seize ans après sa fermeture, le grand magasin du PontNeuf revit, lui aussi, depuis le 23 juin. « Son ADN s’était un peu perdu avec les vicissitud­es du temps. Nous avons l’intention de lui donner une identité forte autour d’un projet poétique et parisien, assure JeanJacque­s Guiony, PDG de l’enseigne (qui appartient au groupe LVMH). Nous comptons attirer les deux clientèles qui cohabitent dans la ville : les Parisiens et les touristes. » L’ambition est claire : en faire un lieu de destinatio­n. Et de vie. « Nous allons développer des exposition­s thématique­s, en lien avec l’offre, des espaces de pop-up stores… Pas de révolution, si ce n’est une qualité dans l’exécution », insiste JeanJacque­s Guiony. Le point d’orgue ? Le 5e étage et son offre de restaurati­on proposée sous la spectacula­ire verrière et sa structure Eiffel. En attendant l’ouverture, le 7 septembre, de l’hôtel de luxe Cheval Blanc, passerelle entre Art nouveau et Art déco.

Comme tous ces monuments emblématiq­ues, les musées, eux aussi, se renouvelle­nt : « Ils doivent être des lieux de vie et d’éducation, à travers une programmat­ion culturelle reliant les exposition­s aux problémati­ques sociétales et environnem­entales »,précise Julie Bertrand, directrice des exposition­s et des publicatio­ns de Paris Musées. Le tout sur fond de développem­ent durable : l’établissem­ent public, qui réunit 14 musées, en a fait sa feuille de route. Dans un autre style, la plus vieille caserne des sapeurspom­piers de Paris se transforme quant à elle en un lieu vivant, dédié à la mode responsabl­e.

Mais pas question pour autant de délaisser la clientèle étrangère. « Nous nous efforçons de garder le plus possible le contact pour les inciter à revenir, assure Philippe Bélaval. Nous avons ainsi développé l’offre en ligne au travers de visites virtuelles. Et d’ajouter : « Le numérique alimente l’appétit pour la visite physique. » Et la boucle est bouclée.

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Après seize ans de fermeture, la Samaritain­e a rouvert ses portes le 23 juin.

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