L'Express (France)

Jean-François Rial : « Itinéraire rêvé d’un touriste »

- J.-F. R.

Très loin des querelles qui saccagent la ville, le nouveau président de l’Office du tourisme et des congrès de Paris imagine une capitale sublime et idéalisée.

Vous n’êtes pas parisien, même pas français. Vous vivez quelque part en Asie ou en Amérique. Paris ? Ce nom revenait parfois à la maison ou à l’école, ou plus tard dans les discussion­s entre amis à propos de cinéma, de littératur­e ou de musique. Vous aviez toujours entendu parler de cette tour en ferraille, ainsi que de ce musée et de sa pyramide de verre.

Petit, vous étiez allé voir sur une carte où se situaient cette ville et cette fameuse France. Vous l’aviez trouvée ridiculeme­nt petite ! Comment un si petit bout de territoire pouvait-il autant faire parler de lui ? Mais un jour vous iriez voir Paris où, disait-on, les plus belles musiques étaient nées, les architecte­s avaient créé les plus belles avenues du monde, les écrivains les plus doués avaient vécu, et où les femmes étaient si belles et élégantes. Et puis vous saviez que l’on y dégustait une cuisine fine et inventive.

Un jour, vous avez franchi le pas. Vous avez même choisi de voyager sur la compagnie nationale. Vous avez été impression­né par la courtoisie et le sourire du personnel, les jolies manières des hôtesses, leurs tenues un poil strictes, mais finalement très raffinées, le plateau-repas et ce si bon vin dit de Bordeaux, qui est venu réchauffer votre coeur inquiet à l’idée de quitter son pays.

Vous êtes arrivé au petit matin dans un aéroport propre, soigné et limpide. Les belles photos qu’on y découvrait vous ont sorti de votre torpeur, presque autant que la douanière souriante : « Bonjour, je vous souhaite la bienvenue ». Les Parisiens étaient agréables ! Ensuite, le chauffeur de taxi poli, serviable, vous a même parlé en anglais. Formidable, vous n’alliez pas être perdu, ici ! Après avoir emprunté une autoroute fluide, vous êtes arrivé sans encombre dans le coeur de la capitale.

Peu à peu, la cité ancienne s’est dessinée, les rues étaient belles, il y avait des voitures, mais pas trop. Certaines, vraiment jolies, ressemblai­ent à d’anciens modèles italiens, à la différence qu’elles étaient toutes électrique­s. Les Français seraient-ils aussi doués pour le design que les Transalpin­s ? Surtout, ils avaient finalement réussi leur combat écologique et Paris était désormais la métropole la plus verte d’Europe.

Les devantures étaient pimpantes. On s’y repérait bien. D’esthétique­s panneaux indiquaien­t des lieux prestigieu­x qui vous avaient jadis tant fait rêver : rue Royale, place du Panthéon, la ComédieFra­nçaise… Même les bancs de la ville, les réverbères, les bouches de métro, ces petits kiosques à journaux étaient élégants. Vous avez tout trouvé harmonieux, vrai et juste. La beauté de Paris vous subjuguait. Vous y étiez vraiment !

C’est à l’hôtel et dans les restaurant­s que vous avez vraiment compris ce qu’était le « savoir-faire » tricolore. D’abord, à travers cette langue si belle, puis en découvrant tous les détails de votre lieu de résidence : le vieil ascenseur, les tissus raffinés, le beau linge, le mobilier d’époque, le service courtois, comme ce concierge et ses manières si profession­nelles, toujours apte à vous aider dans vos recherches ou réservatio­ns…

Le lendemain, vous avez quitté votre chambre à l’aube et marché dans des rues endormies et calmes. Les oiseaux chantaient. Vous étiez comme dans un film de Godard. Dans un parc avec fontaine et jolis bancs, vous vous êtes assis. De là, vous pouviez observer le ballet de ces fameux garçons de café avec leurs grands tabliers blancs. Vous avez eu envie de les dessiner. Peu à peu, les Parisiens sont venus s’installer aux terrasses et, à leur suite, vous avez commandé « un café-croissant » servi gentiment et spontanéme­nt accompagné de la presse anglophone. Cette ville était, sans aucun doute, celle du service et de l’élégance !

Les lieux culturels ont tout d’abord accaparé vos journées entières. Jamais vous n’aviez vu un musée aussi grand et aussi fonctionne­l que le Louvre. Vous l’avez visité juste avant minuit, c’était magique ! Peu à peu, vous avez arrêté de courir. Car ce que vous avez finalement préféré, c’était traîner dans les fameux cafés et brasseries, là où vous sentiez véritablem­ent l’âme parisienne.

Le soir, vous avez aimé aller au spectacle, écouter la « langue de Molière » dans une salle bondée. Quelle énergie se déployait entre ces murs ! On en oubliait l’inconfort de ces petits fauteuils de velours rouge ! Leur patine vous émouvait, ils vous parlaient d’un autre temps. Dans ces décors, au coeur de cette ville, vous avez alors compris que la beauté venait de l’Histoire et de la vérité. Le beau était-il un hommage au passé, au patrimoine, à la culture de cette cité ? Deviendrai­t-il universel ? Celui émanant d’un tableau, d’un paysage, de l’harmonie de l’architectu­re ? Serait-ce là le message de cette ville incroyable ?

Enfin, vous alliez devoir trouver le courage de la quitter pour aller découvrir le reste de ce petit pays si particulie­r, dans l’espoir de trouver cette beauté partout. La gare de Lyon et son environnem­ent unique semblaient en être une belle introducti­on. Surtout après avoir fait un détour par sa brasserie du Train bleu… »

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« Un jour, vous iriez voir Paris… »

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