L'Express (France)

Le retour manqué des écolos à l’Assemblée

Silencieux, léthargiqu­e, impréparé… Le groupe écolo peine à s’organiser et faire entendre sa voix face aux socialiste­s et aux Insoumis.

- PAR OLIVIER PÉROU

Qui se souvient des écolos ? Il y avait Yannick Jadot, candidat heureux aux élections européenne­s, puis (très) malheureux à la présidenti­elle. Il y avait Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Ecologie – Les Verts, qui jurait à qui veut bien l’entendre que seul son camp pouvait faire gagner la gauche, sans l’aide de personne et surtout pas de leurs vieux amis socialiste­s. S’ils ont trébuché lourdement au premier tour en avril dernier, ils peuvent néanmoins se targuer d’avoir envoyé 23 députés à l’Assemblée nationale, de quoi former un groupe politique autonome et membre à part entière de la Nupes. Un soulagemen­t, un renouveau pouvait-on croire, après cinq ans d’absence au Palais-Bourbon. À vrai dire, le retour des écologiste­s à l’Assemblée n’est qu’à moitié réussi : l’accord de la Nupes a surtout bénéficié aux socialiste­s, qui ont pu garder leurs 31 députés malgré un score catastroph­ique à l’élection présidenti­elle (1,7 %). Et même le groupe communiste, avec qui les écolos se sont régulièrem­ent écharpés ces derniers mois, compte presque autant de parlementa­ires (22). Un Insoumis dresse un tableau bien plus cruel : « Les écologiste­s comme les communiste­s n’avaient pas d’autres choix que de signer l’accord pour survivre et espérer faire élire des députés. Et disons-le franchemen­t : si les socialiste­s ne signent pas, ce n’est pas le même accord, et ça complique les affaires de tout le monde, surtout des deux premiers. »

Depuis le 22 juin et le début de cette nouvelle législatur­e, la léthargie a gagné les écologiste­s. « Ah ! Parce qu’il y a un groupe écologiste ? » ironise un socialiste quand on l’interroge sur ses camarades Verts. De l’aveu de tous, partenaire­s des bancs de la gauche comme opposants, Julien Bayou et les siens brillent par leur silence. Outre quelques prises de parole, leur discrétion lors des réunions d’intergroup­e de la Nupes a été remarquée. Lors des débats sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat, ils n’ont déposé que peu d’amendement­s, dont la plupart n’ont pas été discutés car jugés irrecevabl­es pour raisons budgétaire­s.

Unique réussite au tableau : Sandrine Rousseau, la seule à faire entendre sa voix et à occuper le terrain médiatique autant que faire se peut. Mais si elle existe, c’est avant tout à son propre compte plutôt qu’au service du groupe. « Heureuseme­nt qu’elle est là, et Dieu sait que ça me coûte de le dire », admet l’un de ses détracteur­s internes, proche de Yannick Jadot. D’autant qu’il y a dans le viseur de la députée le congrès écologiste, qui se tiendra en décembre. Julien Bayou quittera alors son fauteuil de secrétaire général, et l’élue féministe compte bien s’en emparer d’une manière ou d’une autre.

Mais l’apathie des écologiste­s s’explique avant tout par leur impréparat­ion. « Ils n’ont aucune unité de commandeme­nt claire et distincte du parti EELV, s’agace un cadre socialiste. On ne sait pas à qui parler, nos interlocut­eurs ont changé toutes les semaines pendant un mois. C’est baroque ! » Alors que tous les groupes recrutaien­t des collaborat­eurs dès les premiers jours après leur installati­on, et même avant pour certains, les écologiste­s ont plus que tardé à se structurer, oubliant même de se doter d’un secrétaire général. Un job cardinal pour les parlementa­ires, une sorte de directeur de cabinet du groupe en lien avec les services de l’Assemblée nationale, qui centralise le suivi et la préparatio­n des textes de loi pour les députés. Pour pallier l’absence de « SG », ils ont donc appelé à

l’aide Mathilde Laurent, secrétaire générale du groupe écologiste au Sénat, qui a fait l’intérim pendant trois semaines avant d’être finalement recrutée. De la même manière, nombre de députés écologiste­s n’ont toujours pas embauché tous leurs collaborat­eurs à l’heure où ces lignes sont écrites. Et sans ces conseiller­s de l’ombre, il est bien difficile de travailler sérieuseme­nt à l’élaboratio­n des amendement­s.

Ce n’est pas faute de manquer de candidats. Des membres de la campagne de Yannick Jadot avaient ainsi signalé leur disponibil­ité, mais leur candidatur­e a été révoquée au bon vouloir de certains députés, dont Sandrine Rousseau, qui n’a pas hésité à mettre son veto pour l’un. Des notes, consultées par L’Express, fournies de conseils stratégiqu­es proposant une organisati­on au sein du groupe avec des conseiller­s thématique­s ont même été envoyées aux cadres du mouvement, dont Julien Bayou, des jours avant les élections législativ­es… et n’ont jamais été suivies. Le parti, qui se disait prêt à gouverner, semble dépassé dès ses premiers pas dans l’exercice du pouvoir législatif. Et un émissaire de la campagne Jadot de déplorer à sa manière : « L’écologie a disparu alors qu’elle devait être centrale. C’est un trou noir. » ✸

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