Le retour manqué des écolos à l’Assemblée
Silencieux, léthargique, impréparé… Le groupe écolo peine à s’organiser et faire entendre sa voix face aux socialistes et aux Insoumis.
Qui se souvient des écolos ? Il y avait Yannick Jadot, candidat heureux aux élections européennes, puis (très) malheureux à la présidentielle. Il y avait Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Ecologie – Les Verts, qui jurait à qui veut bien l’entendre que seul son camp pouvait faire gagner la gauche, sans l’aide de personne et surtout pas de leurs vieux amis socialistes. S’ils ont trébuché lourdement au premier tour en avril dernier, ils peuvent néanmoins se targuer d’avoir envoyé 23 députés à l’Assemblée nationale, de quoi former un groupe politique autonome et membre à part entière de la Nupes. Un soulagement, un renouveau pouvait-on croire, après cinq ans d’absence au Palais-Bourbon. À vrai dire, le retour des écologistes à l’Assemblée n’est qu’à moitié réussi : l’accord de la Nupes a surtout bénéficié aux socialistes, qui ont pu garder leurs 31 députés malgré un score catastrophique à l’élection présidentielle (1,7 %). Et même le groupe communiste, avec qui les écolos se sont régulièrement écharpés ces derniers mois, compte presque autant de parlementaires (22). Un Insoumis dresse un tableau bien plus cruel : « Les écologistes comme les communistes n’avaient pas d’autres choix que de signer l’accord pour survivre et espérer faire élire des députés. Et disons-le franchement : si les socialistes ne signent pas, ce n’est pas le même accord, et ça complique les affaires de tout le monde, surtout des deux premiers. »
Depuis le 22 juin et le début de cette nouvelle législature, la léthargie a gagné les écologistes. « Ah ! Parce qu’il y a un groupe écologiste ? » ironise un socialiste quand on l’interroge sur ses camarades Verts. De l’aveu de tous, partenaires des bancs de la gauche comme opposants, Julien Bayou et les siens brillent par leur silence. Outre quelques prises de parole, leur discrétion lors des réunions d’intergroupe de la Nupes a été remarquée. Lors des débats sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat, ils n’ont déposé que peu d’amendements, dont la plupart n’ont pas été discutés car jugés irrecevables pour raisons budgétaires.
Unique réussite au tableau : Sandrine Rousseau, la seule à faire entendre sa voix et à occuper le terrain médiatique autant que faire se peut. Mais si elle existe, c’est avant tout à son propre compte plutôt qu’au service du groupe. « Heureusement qu’elle est là, et Dieu sait que ça me coûte de le dire », admet l’un de ses détracteurs internes, proche de Yannick Jadot. D’autant qu’il y a dans le viseur de la députée le congrès écologiste, qui se tiendra en décembre. Julien Bayou quittera alors son fauteuil de secrétaire général, et l’élue féministe compte bien s’en emparer d’une manière ou d’une autre.
Mais l’apathie des écologistes s’explique avant tout par leur impréparation. « Ils n’ont aucune unité de commandement claire et distincte du parti EELV, s’agace un cadre socialiste. On ne sait pas à qui parler, nos interlocuteurs ont changé toutes les semaines pendant un mois. C’est baroque ! » Alors que tous les groupes recrutaient des collaborateurs dès les premiers jours après leur installation, et même avant pour certains, les écologistes ont plus que tardé à se structurer, oubliant même de se doter d’un secrétaire général. Un job cardinal pour les parlementaires, une sorte de directeur de cabinet du groupe en lien avec les services de l’Assemblée nationale, qui centralise le suivi et la préparation des textes de loi pour les députés. Pour pallier l’absence de « SG », ils ont donc appelé à
l’aide Mathilde Laurent, secrétaire générale du groupe écologiste au Sénat, qui a fait l’intérim pendant trois semaines avant d’être finalement recrutée. De la même manière, nombre de députés écologistes n’ont toujours pas embauché tous leurs collaborateurs à l’heure où ces lignes sont écrites. Et sans ces conseillers de l’ombre, il est bien difficile de travailler sérieusement à l’élaboration des amendements.
Ce n’est pas faute de manquer de candidats. Des membres de la campagne de Yannick Jadot avaient ainsi signalé leur disponibilité, mais leur candidature a été révoquée au bon vouloir de certains députés, dont Sandrine Rousseau, qui n’a pas hésité à mettre son veto pour l’un. Des notes, consultées par L’Express, fournies de conseils stratégiques proposant une organisation au sein du groupe avec des conseillers thématiques ont même été envoyées aux cadres du mouvement, dont Julien Bayou, des jours avant les élections législatives… et n’ont jamais été suivies. Le parti, qui se disait prêt à gouverner, semble dépassé dès ses premiers pas dans l’exercice du pouvoir législatif. Et un émissaire de la campagne Jadot de déplorer à sa manière : « L’écologie a disparu alors qu’elle devait être centrale. C’est un trou noir. » ✸